Écoresponsabilité

Votre entrepôt est-il suffisamment écologique ?

Par Ruari McCallion

MaI 2025

Comment la construction et l’utilisation des bâtiments logistiques doivent évoluer pour atteindre les objectifs en matière d’émissions de carbone

Les opérateurs logistiques font l’objet de pressions croissantes, année après année, visant à réduire leur empreinte carbone. Pour diminuer la part du secteur de la logistique dans les émissions totales de carbone, ilfaut mettre l’accent sur les bâtiments autant que sur les transports. Ruari McCallion fait le point sur les avancées en matière d’écoresponsabilité dans la conception des bâtiments, leurs équipements, les techniques de construction et les matériaux employés.

Sommaire

Cet article examine la contribution des entrepôts et de leurs activités dans l’importante empreinte carbone du secteur de la logistique. Il passe en revue les principaux efforts déployés par les entreprises de logistique afin de produire leur énergie de manière écoresponsable et de l’utiliser efficacement. Au-delà des avancées technologiques, il s’intéresse également aux matériaux de construction durables – tels que l’« acier vert » et les mélanges de ciment à faible teneur en carbone – ainsi qu’aux pratiques de construction associées. Les innovations vont du concept de « Passivhaus » (bâtiments à très faible demande énergétique) aux bâtiments « actifs » (qui produisent, emmagasinent et restituent leur propre énergie).

Le secteur de la logistique représente à lui seul près de 25 % des émissions totales de carbone dans le monde. Si le transport reste la principale source, la production et la fabrication de l’acier représentent tout de même 8 % des émissions. L’acier étant indispensable à la construction des entrepôts et des installations commerciales, les grands acteurs de la logistique et de l’entreposage portent une attention croissante à la manière dont leurs bâtiments sont construits et exploités.

Aux États-Unis, Amazon dispose d’entrepôts équipés de panneaux solaires, de systèmes d’éclairage économes en énergie et de systèmes de refroidissement de pointe, par exemple. Prologis, parmi les leaders mondiaux de l’immobilier logistique, détient de nombreux entrepôts certifiés LEED (Leadership in Energy and Environmental Design). Dès leur conception, ces entrepôts intègrent une approche centrée sur l’efficacité énergétique, le recours aux énergies renouvelables et les pratiques de construction durable. Les installations d’UPS sont souvent équipées de panneaux solaires, de systèmes d’éclairage économes en énergie et d’autres technologies durables, afin de réduire l’impact de l’entreprise sur l’environnement. Le géant suédois IKEA s’est fixé pour objectif de devenir « positif pour le climat » d’ici 2030 et a déjà mis en place plusieurs initiatives écoresponsables dans ses centres de distribution, notamment des bâtiments à consommation énergétique zéro émission nette. Pour réduire considérablement ses émissions, DHL mise sur des technologies vertes dans ses entrepôts, centres de tri, hubs, terminaux et bureaux. Courant 2025, UPS souhaite atteindre 25 % d’électricité renouvelable pour alimenter ses installations, après avoir déjà franchi le cap des 8 % en 2022.

Leicester2truck-1

Le principal centre de distribution britannique de XPO, situé à Leicester, est le troisième site de l’entreprise à bénéficier de la certification « neutre en carbone ». (Ci-dessus et image principale)

L’utilisation des véhicules électriques (VE) chez FedEx entraîne une hausse de la demande énergétique, mais l’entreprise compense cette charge en recourant à l’énergie solaire, installée sur 29 de ses sites à l’échelle mondiale. L’auvent solaire de son siège à Pittsburgh produit aujourd’hui environ 30 % de l’électricité utilisée sur le campus.

Le principal centre de distribution britannique de XPO, situé à Leicester, est le troisième site de l’entreprise à bénéficier de la certification « neutre en carbone ». Il a été construit selon les normes de neutralité carbone du système de certification BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method).

Le système BREEAM vise à atteindre la neutralité carbone en prenant en compte à la fois le carbone « opérationnel », lié aux émissions générées par l’utilisation de l’énergie du bâtiment pendant sa durée de vie, et le carbone « intrinsèque », lié aux émissions issues des phases de construction, d’entretien et de fin de vie du bâtiment. L’énergie, l’eau, les matériaux, les déchets, l’utilisation des sols et l’écologie sont les principales catégories d’évaluation retenues dans le cadre de la certification.

GLP, largement salué pour son rôle de pionnier dans l’entreposage écoresponsable, a construit le premier entrepôt zéro, émission nette au monde à Magna Park, Milton Keynes, en Angleterre. Dès le départ, l’entreprise a fait le choix de privilégier des pratiques et des matériaux de construction durables.

Il n’est rien au monde d’aussi puissant…

…qu’une idée dont l’heure est venue

Nous nous sommes penchés ces dernières années* sur des initiatives visant à améliorer les performances environnementales globales en mettant l’accent sur les émissions et l’efficacité des opérations d’entreposage et du transport. Les autorités du Royaume-Uni et de l’UE soutiennent les recherches sur l’« acier vert » et la « construction verte ». Le projet de l’UE se nomme GREENSTEEL, tandis que celui du Royaume-Uni porte le nom de SUSTAIN.

Le projet Stegra, implanté dans une aciérie à Boden, en Suède, devrait débuter en 2026, avec une production d’acier vert à grande échelle prévue pour 2027. Il accueillera la plus grande installation d’électrolyse d’Europe, qui produira de l’« hydrogène vert » à partir de l’eau, en recourant à de l’électricité renouvelable qui sera utilisée à la place des combustibles fossiles pour produire du « fer vert ». Ce fer sera à son tour utilisé pour produire de l’acier vert. Les émissions de carbone devraient être réduites de 95 % par rapport à celles de la sidérurgie classique.

Stegra project 2

Le projet Stegra, basé en Suède, devrait produire de l’« acier vert » à grande échelle à partir de 2027.

Le projet GREENSTEEL vise à atteindre les objectifs climatiques et énergétiques de l’UE pour 2030, tout en soutenant sa stratégie à long terme en matière de neutralité carbone d’ici 2050. Ce projet se focalise sur la création de feuilles de route technologiques et sur la définition des trajectoires à suivre à moyen et long terme en vue de la décarbonation de l’industrie sidérurgique. Les options de financement et les évaluations des impacts économiques, sociaux, environnementaux et industriels des politiques de l’UE, dans tous les pays membres, seront analysées.

Au Royaume-Uni, le projet SUSTAIN est financé et soutenu par les pouvoirs publics, les universités et le secteur privé. La participation officielle des pouvoirs publics se fait par l’intermédiaire de l’Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC, conseil de recherche en sciences physiques et en ingénierie), qui fait partie de l’organisation gouvernementale britannique UK Research and Innovation (UKRI). Le projet implique les universités de Sheffield, Warwick et Swansea – agissant en qualité de chef de file ou de « hub » – ainsi que les entreprises Liberty Steel et Tata Steel. L’aciérie, établie de longue date à Port Talbot, de l’autre côté de la baie de Swansea, est actuellement en phase de conversion, passant de haut fourneau traditionnel à la production d’acier vert à l’arc électrique.

Conception de bâtiments durables – au-delà du concept de Passivhaus

L’université de Swansea a d’ores et déjà démontré la viabilité technique et l’intérêt commercial de diverses technologies. Elles vont au-delà du label de performance énergétique « Passivhaus », déjà bien ancré en Allemagne et aux Pays-Bas. Au Royaume-Uni, on qualifie de « bâtiments actifs » (Active Buildings) les bâtiments « qui contribuent au réseau énergétique élargi en intégrant de manière intelligente des technologies renouvelables destinées au chauffage, à l’électricité et au transport ». Ces bâtiments suivent les principes de conception « passive » avec une ingénierie et une architecture intégrées, incluant notamment l’orientation et la volumétrie du bâtiment, ainsi que la lumière naturelle, l’efficacité structurelle et la ventilation naturelle. Leurs systèmes énergétiques sont pilotés intelligemment afin de réduire au minimum les besoins en chauffage, ventilation, climatisation, éclairage et transport interne, tout en exploitant les données recueillies pour valider les performances, optimiser le fonctionnement et affiner les stratégies de contrôle prédictif.

Diverses technologies d’énergie renouvelable sont intégrées et fonctionnent de concert au sein d’un système unique pour produire, emmagasiner et libérer de la chaleur et de l’électricité. La « salle de classe active » (Active Classroom), construite en 2016, a été la première salle de classe, ou de séminaire, à énergie positive du Royaume-Uni. Construit deux ans plus tard, le « bureau actif » (Active Office) fait appel à des technologies existantes disponibles dans le commerce pour obtenir des résultats similaires.

Les panneaux solaires sur les toitures sont aujourd’hui monnaie courante, mais le projet SUSTAIN, et le projet SPECIFIC associé, ont développé des versions plus écologiques, plus légères, moins coûteuses et plus flexibles : des cellules photovoltaïques à pérovskite hybrides organiques et inorganiques. Des matériaux tels que l’acier préfini Colorcoat Prisma® de Tata Steel peuvent être placés sous les modules photovoltaïques, offrant ainsi une solution à la fois hautement efficace et flexible, qui permet aux bâtiments de produire leur propre électricité. Les bâtiments actifs sont équipés de technologies qui leur permettent d’emmagasiner l’énergie et de la restituer selon les besoins en temps réel. Le toit en acier du bureau actif, qui intègre des cellules photovoltaïques et des batteries, peut emmagasiner suffisamment d’énergie pour alimenter le bâtiment pendant deux jours.

Selon le groupe SUSTAIN, ces technologies sont en mesure de bouleverser le secteur de la construction, en fournissant des matériaux à la fois écoresponsables et à haute efficacité énergétique.

La décarbonation des entrepôts – une démarche qui s’inscrit aussi dans la durée

Les entrepôts « net-zéro » sont conçus pour minimiser l’empreinte carbone tout au long de leur cycle de vie, de la construction jusqu’à la démolition, en passant par l’exploitation.

Parmi les matériaux à plus faible empreinte carbone figurent les mélanges de ciment alternatifs, capables de réduire considérablement le carbone intrinsèque total, ainsi que l’acier vert, qui intègre une forte proportion de ferraille et génère donc moins d’émissions. Les systèmes et structures à haute efficacité énergétique comprennent des éléments tels que les panneaux solaires, les dispositifs d’éclairage économes en énergie et l’isolation thermique de pointe.

Prônant l’acier vert, le projet GREENSTEEL participe à une refonte en profondeur des méthodes et des modes de pensée dans le secteur de la construction. Il propose une alternative plus durable à l’acier conventionnel, tout en étant manifestement pratique et économique.

Loin des inquiétudes parfois exprimées, l’acier vert offre la même résistance et la même longévité que l’acier traditionnel, tout en affichant une empreinte carbone nettement plus faible.

La fabrication hors site, combinée à l’assemblage des bâtiments sur site à partir de poutres, de piliers et de panneaux préfabriqués, permet de raccourcir le temps de construction tout en réduisant les déchets. L’intégration de l’acier vert dans la conception des bâtiments durables permet d’obtenir plus facilement des certifications telles que LEED et BREEAM. Ces certifications contribuent également à augmenter la valeur marchande des bâtiments.

Des exemples de bâtiments comme Magna Park au Royaume-Uni, et comme le siège social de Schneider à Paris, ont atteint la neutralité carbone grâce à une gestion efficace de la consommation d’énergie et à la récupération de l’énergie issue des occupants et de leurs activités. Cela peut simplement consister, par exemple, à récupérer la chaleur produite par le fonctionnement des ordinateurs et des serveurs. Le projet britannique SUSTAIN pousse l’innovation encore plus loin en transformant les bâtiments en espaces intelligents.

Cela dit, le transport demeure le principal responsable des émissions de carbone dans le secteur de la logistique. Les pressions dans ce domaine ne feront que s’intensifier à mesure que l’échéance de 2040 approche. Selon le magazine Sustainability, la demande pour les livraisons du « dernier kilomètre » connaîtra une hausse de 78 % d’ici 2030, entraînant une augmentation de 36 % du nombre de véhicules de livraison dans les 100 plus grandes villes mondiales. Le paysage des transports subira une transformation majeure d’ici 2040, mais les bâtiments sont conçus pour durer plus longtemps que les véhicules. Il faut donc prêter attention à leur performance environnementale. Les initiatives décrites ici montrent comment les autorités et le secteur dans son ensemble prennent le sujet très au sérieux et investissent dans un avenir plus écoresponsable.

*Lectures complémentaires sur l’écoresponsabilité des entrepôts et de la logistique

Rendez-vous sur eurekapub.fr pour consulter les précédents articles traitant de sujets connexes, notamment :

Solutions d’entreposage durables (mars 2015)

Réduire la consommation d’énergie et les coûts (septembre 2022)

Chasser la déprime hivernale (septembre 2024)

La puissance venue du ciel (mars 2024)

Que la lumière soit (mars 2019)

‘Le dernier kilomètre’ (décembre 2021)

Améliorer l’efficacité de l’emballage (mars 2020)

Déchet plus… jamais (mars 2021)

Adoptez l’emballage écologique pour augmenter vos bénéfices (janvier 2019)

Print