Écoresponsabilité

Un « dernier kilomètre » plus propre, plus écologique et plus rapide ?

Par Gian Schiava

Décembre 2021

Multiple City deliveries

Les progrès de la logistique urbaine

En 2019, nous nous sommes penchés sur les défis de la logistique urbaine, notamment les livraisons effectuées lors du fameux dernier kilomètre où sont produits la plupart des déchets. Depuis, nos sociétés ont été secouées par une crise sanitaire internationale qui a également eu pour effet de déclencher une croissance accélérée des commandes en ligne. Gian Schiava fait le point sur les réponses apportées par les entreprises.

À l’occasion de notre précédent article, nous avons mis en lumière le point de vue éclairé de Walther Ploos van Amstel, professeur de logistique urbaine à l’université d’Amsterdam. Outre la publication de nombreuses réflexions intéressantes sur ce sujet, il a récemment organisé une « table ronde » conjointement avec plusieurs confrères spécialistes. Ensemble, ils ont abordé et évalué des projets pilotes et des tests récemment mis en œuvre aux Pays-Bas et en Belgique, afin de concevoir un modèle durable de distribution urbaine.

Cargo Bike Delivery

Un « dernier kilomètre » plus propre, plus écologique et plus rapide

Selon lui, l’une des solutions les plus évidentes à mettre en œuvre rapidement concernerait les livraisons combinées. En effet, les centres-villes, où se concentrent bars et restaurants, devraient être livrés par un seul et unique transporteur, et non par des fournisseurs spécifiques à chaque point de vente.

Robert Kreeft

Robert Kreeft, Somerset Capital Partners

Robert Kreeft, de Somerset Capital Partners, est chargé du développement du centre logistique urbain appelé « City Logistics Innovation Campus » (CLIC), près d’Amsterdam. Conscient du besoin croissant de distribution urbaine, il préconise le recours à une « tour de contrôle logistique » permettant de coordonner les flux de marchandises dans la ville. Il estime également que la gestion des flux de retour doit faire l’objet d’une coopération accrue.

À l’instar d’un aéroport qui gère les vols de fret et de passagers en partance et à destination d’un aérodrome, un port urbain pourrait jouer ce rôle dans la logistique du dernier kilomètre avec des véhicules électriques qui livreraient des colis ou des denrées alimentaires au centre-ville. La coordination et la planification sont primordiales.

CLIC Amsterdam

City Logistics Innovation Campus (CLIC) près d'Amsterdam.

Les pouvoirs publics ont certainement un rôle vital à jouer, ne serait-ce qu’en soutenant financièrement les PME (petites et moyennes entreprises) pour les aider à investir dans les véhicules électriques. Fait encourageant, la table ronde a été suivie par des étudiants de la Amsterdam School of Real Estate, un institut universitaire de premier plan pour les études immobilières, dont les diplômés seront les experts de demain en logistique urbaine.

Exploiter les voies navigables

Tandis que la table ronde se concentrait sur l’exploration de nouvelles pistes, DHL réalisait de réels progrès en proposant des solutions alternatives concrètes dans l’une des villes les plus encombrées de Grande-Bretagne. Depuis de nombreuses années, DHL faisait appel à des coursiers à vélo pour effectuer une grande partie de ses livraisons express du dernier kilomètre dans le centre de Londres. Les vélos-cargos sont désormais monnaie courante, mais il demeure que les colis doivent être transportés par camion dans la ville pour être distribués aux coursiers à vélo.

DHL Cargo Bike

La dernière partie du trajet est effectuée à vélo.

Aussi évidente que géniale, la solution a consisté à faire appel à un service quotidien de navettes fluviales ! La Tamise, très peu utilisée aujourd’hui comme voie de transport, permet d’améliorer l’efficacité et la rapidité de la livraison de colis. C’est depuis un quai situé à l’ouest de Londres que des véhicules électriques chargent les colis sur la navette, pour les acheminer ensuite vers un autre quai au cœur de la ville. La dernière partie du trajet est effectuée à vélo.

Selon DHL, ce mélange insolite de modes de transport s’avère non seulement plus propre, mais aussi plus rapide et plus efficace que les méthodes habituelles. Outre Londres, DHL étudie des combinaisons similaires associant voies terrestres et navigables pour des villes comme Amsterdam et Venise. Toutefois, les meilleurs résultats à ce jour ont été enregistrés à Londres, notamment en ce qui concerne les temps de transit. Le service de navette fluviale est la dernière nouveauté de GoGreen, le programme global de protection de l’environnement du groupe DHL, dont l’objectif s’étend au-delà des livraisons dans le périmètre du dernier kilomètre.

À Rome… ramassez les déchets

Si l’exemple de DHL montre d’évidents progrès réalisés en matière de délais et d’efficacité des livraisons, le secteur logistique dispose de bien d’autres façons de contribuer à la vie urbaine. Notre précédent article sur le dernier kilomètre décrivait une initiative paneuropéenne appelée CITYLAB. Ce projet pilote abordait la livraison du dernier kilomètre, non seulement du point de vue de l’efficacité, mais aussi de la réduction des déchets urbains, de l’incitation des allers-retours chargés et de l’augmentation des efforts de recyclage.

Poste Italiane

À Rome, l'objectif était d'établir un système de recyclage circulaire.

À Rome, l’un des sept « laboratoires d’essai », l’objectif était de mettre en place un système de recyclage circulaire. Les déchets devaient être ramassés par Poste Italiane, le service postal local, avec une prise en charge des flux directs et des flux de retour. La gestion des déchets n’étant pas le seul défi difficile à relever pour cette ville italienne très affairée, l’objectif du projet pilote s’étendait à la réduction des embouteillages et des émissions polluantes, ainsi qu’à l’amélioration du recyclage des déchets urbains. L’idée était simple : Poste Italiane devait distribuer le courrier et les colis à l’aide de ses véhicules électriques, puis collecter les déchets recyclables sur le trajet de retour.

Le projet s’est avéré techniquement réalisable et durable, chacun de ces allers-retours permettant d’éviter les émissions qui auraient été rejetées lors de trajets effectués par des véhicules distincts. Cependant, cette méthode n’a été appliquée qu’à petite échelle. Pour une mise en œuvre à l’échelle de la ville, plusieurs obstacles doivent encore être surmontés. Par exemple, la présence d’un réseau de nombreux emplacements permettant un ramassage efficace des déchets recyclables serait particulièrement nécessaire. Point positif, le projet pilote temporaire a donné naissance à un organisme permanent appelé TRElab, qui tentera de déployer le projet à l’échelle souhaitée.

Technologie verte

Le programme GoGreen de DHL, mentionné plus haut, vise à réduire toutes les émissions liées à la logistique qui sont associées aux activités de l’entreprise. Pour y parvenir, l’un des moyens consiste à développer et exploiter de nouvelles technologies. Les stations autonomes de retrait de colis, où les clients peuvent récupérer les marchandises commandées en ligne, y compris les produits d’épicerie à température contrôlée, comptent parmi les bons exemples. Elles peuvent être considérées comme des entrepôts automatisés miniatures avec un seul point d’entrée et de sortie. Situées aux abords d’un magasin de proximité ou dans un centre commercial, elles ne nécessitent pas la présence de personnel. Elles ont comme principal avantage de permettre aux clients de venir retirer leurs commandes 24 h/24 et 7 j/7.

Le dernier kilomètre reste un grand défi pour les professionnels de la logistique. De gros problèmes d’encombrements et de pollution doivent encore être résolus, tandis que la course se poursuit pour livrer les marchandises dans les villes le plus efficacement et le plus durablement possible. Aujourd’hui, les véhicules électriques deviennent monnaie courante et des synergies efficaces entre de nouvelles technologies plus écologiques voient le jour. Le volontarisme des entreprises de logistique dans ce domaine nous rend très optimistes quant à l’avenir de la distribution urbaine.

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