Technologie

Développements sans conducteur

Par Gian Schiava

Octobre 2022

Les AGV sont-ils à la hauteur de leur plein potentiel ?

Quelles sont les nouveautés sur le marché des véhicules à guidage automatique (AGV) – et quelle différence font-elles ? Gian Schiava passe en revue les avancées récentes et les prochains défis en la matière à la faveur d’une conversation avec deux spécialistes de la question.

Oskari Lindstedt-landscape

Anne Faure, responsable du département AGV chez Aprolis, distributeur d’équipements de manutention en France.

(Photo ci-dessus) Oskari Lindstedt, vice-président des ventes et du marketing chez Logisnext Solutions, un fabricant qui compte des chariots élévateurs Cat® et des AGV Rocla parmi ses produits.


Eureka: Les AGV sont apparus il y a quelques décennies déjà. Il s’agissait des premiers chariots « autonomes » à une époque où les mini-load (stockage automatisé de boîtes) et les transstockeurs étaient également légion. Comment ont-ils évolué depuis lors ?

Anne Faure (AF): « Assurément devenus plus compacts, les véhicules à guidage automatique sont désormais déployés dans des applications autres que le transport rudimentaire, d’un point A à un point B, de marchandises palettisées. S’ils demeurent une solution alternative pour les nombreuses tâches répétitives formant leur cœur de métier, ils transportent également, outre les palettes, des conteneurs souples, des chariots, des marchandises volumineuses, voire des boîtes et des cartons. Nous assistons également aux prémices de l’utilisation des AGV en extérieur. Ils sont par ailleurs devenus beaucoup plus efficaces, en grande partie grâce à la technologie Li-ion. »

Oskari Lindstedt (OL): « Leurs avancées n’épargnent aucun domaine. Les véhicules eux-mêmes ont gagné en précision et en efficacité et, de toute évidence, certains aspects comme la technologie de sécurité et celle des scanners ont beaucoup évolué par rapport aux débuts.

« L’évolution se poursuit sans cesse au niveau des véhicules, mais les plus grands changements intervenus ces dernières années se situent du côté des commandes et des logiciels. Ces facteurs, déterminant quant à la manière dont les AGV évoluent dans l’aménagement de l’entrepôt et se déplacent entre les différentes tâches, ont considérablement contribué à accroître l’efficacité du système AGV dans son ensemble. »

Eureka: Dans quels secteurs ont-ils connu un franc succès ? Dans quelles applications et pourquoi ?

AF: « En fait, ils se sont montrés efficaces dans une myriade de secteurs. Leur technologie reste néanmoins fragile dans des applications typiques telles que les entrepôts frigorifiques et les environnements extérieurs. Ces véhicules peuvent difficilement faire face à des températures extrêmement basses, à la pluie ou à des surfaces bosselées. Mais là aussi, les choses progressent. »

OL: « L’automatisation s’avère bien sûr utile dans les applications comportant de nombreuses tâches répétitives. Si l’industrie manufacturière a traditionnellement été pionnière dans l’utilisation de l’automatisation, ces dernières années, c’est dans le secteur de l’entreposage que la plus forte progression a été constatée. Grâce aux progrès technologiques, les AGV sont aujourd’hui capables de soulever et de positionner les charges avec plus de précision. Par ailleurs, grâce à une technologie de sécurité de pointe, parmi d’autres avancées, ils peuvent également opérer dans des allées d’entrepôt standard de 3 m de large où l’automatisation n’était guère possible auparavant. »

Eureka: Y a-t-il d’autres domaines dans lesquels les AGV ont rencontré d’importantes difficultés ? Existe-t-il des applications pour lesquelles les chariots élévateurs ordinaires restent préférables ?

AF: « Il est très difficile de concevoir un environnement dans lequel les AGV et les chariots élévateurs classiques coexistent. Pour que cela soit possible, il faudrait soumettre les conducteurs à beaucoup plus de règles et de restrictions. Dans les situations intenses, les chariots élévateurs ordinaires peuvent encore être votre meilleur choix. »

OL: « Ce que l’on appelle « automatisation optimale », à savoir l’idée que tout ne doit pas nécessairement être automatisé, est un sujet très en vogue actuellement. Dans certains processus d’entreposage, les chariots élévateurs classiques constituent une excellente option. C’est le cas, par exemple, pour les tâches de déchargement et de chargement.

« Mais l’automatisation optimale sous-tend également l’idée de faire travailler de concert les chariots élévateurs et les AGV. Les flux de matériaux étant par essence généralement irréguliers, l’automatisation peut prendre en charge les flux standard, et bénéficier, aux heures de pointe, du renfort des chariots élévateurs pour faire face aux besoins accrus. Notre logiciel FleetController peut gérer tous ces flux. La capacité du système AGV ne doit alors pas être calculée en fonction du pic maximal, mais elle peut se fonder sur des flux de matériaux plus habituels. Le retour sur investissement s’en trouvera également amélioré. »

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Eureka: Les technologies et solutions en matière de manutention ont beaucoup évolué au cours des cinq dernières années. De ce fait, existe-t-il de nouvelles solutions concurrentielles qui menacent les systèmes AGV ?

AF: « Il existe bien d’autres solutions automatisées, mais les AGV ont également été modernisés. Tandis que les premiers AVGGV nécessitaient des points de cheminement intégrés (fils ou réflecteurs, par exemple) pour naviguer, de nouvelles possibilités s’offrent aujourd’hui à nous, qui ne requièrent aucune infrastructure supplémentaire.

« La navigation SLAM (localisation et cartographie simultanées) est un excellent exemple de techniques de navigation dites « naturelles ». Un AGV équipé de cette technologie peut construire une carte de son environnement et s’y localiser. Son installation est plus facile, les coûts d’installation sont réduits et c’est une technologie qui nécessite moins de maintenance. Cependant, en raison de son positionnement moins précis, la navigation SLAM tend à n’être déployée que dans les transports au sol.

« Les chariots automatisés à mât rétractable constituent une autre avancée de poids. Ils ajoutent une dimension verticale, en ce qu’ils peuventen pouvant ranger les palettes à des hauteurs pouvant dépasser 10 mètres. »

OL: « La manutention des palettes, notamment dans les entrepôts, est le segment en croissance. »

Eureka: Quels sont les principes clés à garder à l’esprit lors de la mise en œuvre des AGV dans un contexte d’activités intralogistiques ?

AF: « Eh bien, n’essayez pas de copier ou d’améliorer la situation existante. Il vous faut repartir de zéro et réaménager l’entrepôt en fonction de la capacité de l’AGV et de votre flux de marchandises. Prenez les choses étape par étape, prévoyez des tests et assurez-vous que la formation est correctement dispensée. Ce point est particulièrement important lors de l’aménagement d’un entrepôt où des chariots élévateurs classiques opèrent également. »

OL: « Faire travailler ensemble des AGV et des chariots élévateurs demande de la préparation, mais notre logiciel FleetController facilite grandement les choses. Aujourd’hui, ils parviennent déjà à circuler harmonieusement dans une même zone. Lorsqu’un AGV détecte un chariot élévateur, il s’arrête et le laisse passer. Cette interaction est également courante dans les zones où, par exemple, les AGV délivrent des charges sur les voies d’entreposage temporaire et les chariots élévateurs les récupèrent afin de charger les camions. À l’avenir, cette coopération s’intensifiera. »

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Eureka: Selon vous, dans quels domaines les solutions AGV vont-elles encore se développer ? Sur quels marchés les AGV pourraient-ils encore connaître une forte croissance ?

AF: « Nous pensons que les versions capables d’opérer en extérieur ne tarderont pas à arriver sur le marché. Comme pour les premiers AGV, c’est le secteur automobile qui ouvre la voie. Nous étudions actuellement une mise en œuvre à grande échelle chez un constructeur automobile avec des dépanneuses opérant aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. »

OL: « Le perfectionnement de systèmes de contrôle, implémentant des flottes mixtes (AGV et chariots élévateurs), sera facilité et leur déploiement dans les entrepôts continuera de croître. »

Étude de cas

Dossin Entrepôts est une PME spécialisée dans le stockage et la logistique, comptant des clients dans les secteurs de l’agroalimentaire, des aliments pour animaux, de la pharmacie et du conditionnement. Lorsqu’elle a pris la décision de construire un nouvel entrepôt de 36 000 m², l’entreprise avait pour ambition de mettre en place une solution automatisée permettant d’améliorer la qualité de la préparation de commandes et d’accélérer les délais d’exécution.

L’automatisation a pris des allures de véritable voyage de découverte pour Dossin, tant elle a eu des répercussions sur l’installation, la formation, la maintenance et le temps consacré au projet. Le choix de l’entreprise s’est porté sur 18 AGV de transfert, ainsi que sur 17 modèles à déplacement tridirectionnel et à mât rétractable.

Après une période d’essai avec quatre AGV, le déploiement complet a commencé. Ce laps de temps a également été mis à profit pour adapter et préparer le bâtiment sur le plan de la largeur des allées, du pavage, de la planéité des surfaces, etc.

La valorisation des compétences des employés, l’amélioration de la flexibilité opérationnelle et de la sécurité, le potentiel d’investissement progressif et l’évolutivité de la solution sont autant d’avantages particulièrement appréciés chez Dossin. Un autre atout est qu’il n’est plus nécessaire de gérer du personnel temporaire à l’arrivée des périodes de vacances.

Consultez nos archives Eureka pour de plus amples informations sur les AGV et d’autres technologies d’entrepôt automatisé.

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