Économie

Petits colis – grands impacts

Par Gian Schiava

Juillet 2024

Comment le traitement des commandes et des retours remodèlent la logistique dans le domaine du commerce électronique

Que vous soyez un consommateur ou une entreprise, c’est désormais en grande partie en ligne que vous achetez des produits ou des services. Le commerce électronique a bouleversé la nature de la logistique, si bien que les entreprises doivent s’adapter à des commandes de plus en plus petites. En 2022, Eureka a mis en lumière le phénomène de la ‘« logistique des retours ». Gian Schiava se penche à nouveau sur ce sujet pour voir en quoi les chaînes d’approvisionnement ont évolué et si elles gèrent efficacement les flux de retour.

Nous voyons circuler des chariots préparateurs de commande équipés de scanners et d'autres technologies permettant d'effectuer le travail plus rapidement tout en gardant les données d'inventaire à jour.

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Image 1. Chariot élévateur à fourche à prise bilatérale spécialisé.

Le caristel peut désormais conduire des chariots élévateurs à fourche à prise bilatérale (Images 1 et 2) ou des chariots préparateurs de commandes grande/moyenne hauteur (Images 3 et 4).

Effets sur les organisations logistiques

La popularité des achats en ligne a donné lieu à la production d’un grand nombre de rapports, d’aperçus du marché, d’études et autres publications de recherche. Les prestataires de services logistiques, les consultants, les fournisseurs d’équipements et même les organismes financiers publient en permanence des articles sur les dernières tendances. Les détaillants, en particulier, ont pour principal dénominateur commun l’augmentation du chiffre d’affaires généré par leur site web. Dans certains cas, comme celui d’Amazon, le commerce électronique est la seule activité de l’entreprise. Sur le plan de la croissance, personne n’entrevoit de retournement de cette tendance.

Dès lors, comment les entreprises ont-elles dû adapter la manière dont elles stockent, transportent et livrent leurs produits ?

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Image 2. Chariot élévateur à fourche à prise bilatérale Cat NVT14.

Les rapports disponibles laissent penser que les évolutions les plus évidentes sont les suivantes :

– Augmentation de la demande de services logistiques. De nombreuses entreprises externalisent leurs activités de traitement des commandes, notamment la préparation, auprès de prestataires externes de services logistiques (3PL).

– Recours accru à la technologie. Vu l’importance de la rapidité et de la précision, les gestionnaires font appel au suivi par GPS, à l’analyse des données, aux logiciels d’inventaire et aux systèmes automatisés pour améliorer leurs opérations et communiquer avec les clients. Les systèmes automatisés sont idéalement associés aux équipements conventionnels de stockage, de récupération et de collecte des produits.

– Augmentation de la demande d’espace d’entreposage et de stockage.
Les entreprises peuvent augmenter leurs ventes transfrontalières et doivent se développer pour rester compétitives. Elles doivent également déplacer une partie des stocks vers des entrepôts de moindre envergure situés à proximité des centres-villes, afin d’optimiser les livraisons « du dernier kilomètre ».

– Croissance de l’exécution de commandes omnicanale. De nombreux détaillants cherchent à concilier au mieux leurs activités de vente au détail physique et en ligne. Souvent, la boutique fait simplement office de « porte-étendard » destiné à améliorer l’image de marque.

– Difficultés liées à la main-d’œuvre. La demande de main-d’œuvre qualifiée est aujourd’hui plus forte. Par exemple, le cariste traditionnel doit désormais être en mesure de conduire des chariots élévateurs à fourche à prise bilatérale ou des chariots préparateurs de commandes grande hauteur. D’autre part, le travail classique demeure nécessaire pour les tâches à forte intensité de main-d’œuvre, comme le traitement des flux de retour. Dans de nombreux pays européens, il est difficile d’attirer et de fidéliser les employés.

Adaptation de l’aménagement des entrepôts. Les entrepôts doivent notamment s’adapter aux systèmes (semi-)automatisés. Les hauteurs de rayonnage ont pour ainsi dire explosé et les allées de travail sont devenues plus étroites afin d’augmenter les volumes de stockage dans le même espace. Les équipements de manutention se sont spécialisés. Par exemple, nous voyons circuler des chariots préparateurs de commande équipés de scanners et d’autres technologies permettant d’effectuer le travail plus rapidement tout en gardant les données d’inventaire à jour. Les itinéraires sont optimisés grâce aux systèmes de gestion d’entrepôt (WMS).

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Image 3. Chariot préparateur de commandes moyenne hauteur Cat NOM10P.

Image 3 (ci-dessus). La préparation des commandes fait partie des nombreuses activités de traitement externalisées auprès de prestataires 3PL. Chariot illustré : chariot préparateur de commandes moyenne hauteur Cat NOM10P.

La durabilité et l’art des flux de retour

Actuellement, deux autres tendances étroitement liées attirent l’attention.

Tout d’abord, le flux de la logistique des retours. En 2022, Eureka présentait cette tendance comme une « vague imminente ». Aujourd’hui, elle semble être devenue une activité structurelle. S’agissant d’un processus à forte intensité de main-d’œuvre, pour faire face à ce flux, il est tout d’abord nécessaire de libérer du personnel.
Ce processus implique de vérifier, de reconditionner, de ré-étiqueter,
de réapprovisionner, voire de réparer ou de mettre au rebut des produits. Il doit également être rapide (afin que l’entreprise puisse recommencer à vendre).
Les systèmes informatiques doivent être adaptés afin réintégrer rapidement les articles dans les stocks. Dans l’idéal, les gestionnaires d’entrepôt doivent le concevoir comme un processus individuel, éventuellement à l’aide d’un outil WMS.

Les systèmes informatiques doivent être adaptés afin de réintégrer rapidement les articles [retournés] dans les stocks.

Les entrepôts doivent prendre des mesures préventives pour réduire ces coûts.
La première chose à faire est de mettre en place un nouveau processus de logistique des retours, comme décrit ci-dessus, mais d’autres mesures peuvent également être envisagées. Par exemple, il pourrait être utile de recueillir des données sur les motifs de retour des produits afin de proposer le bon produit à l’avenir. Une autre mesure pourrait être de se pencher sur les moyens d’intégrer la logistique des sorties et des retours. Par exemple, vous pouvez programmer les livraisons en fonction des ramassages d’articles retournés, ou trouver d’autres recoupements. La mesure la plus évidente est sans doute de repenser vos politiques de retour et d’échange. Nombreux sont les consultants qui conseillent aux entreprises d’abandonner la gratuité des frais de port pour les retours ou de demander une contribution financière au moins partielle.

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Image 4. Chariot préparateur de commandes grande hauteur Cat NOH12PH.

Image 4. Pour maximiser la densité de stockage, les hauteurs de rayonnage ont pour ainsi dire explosé et les allées de travail sont devenues plus étroites. Chariot illustré : chariot préparateur de commandes grande hauteur Cat NOH12PH.

Certaines entreprises ont même commencé à intégrer l’IA dans ce processus. OMODA, un détaillant néerlandais spécialisé dans la vente de chaussures, était confronté à un taux de retours frisant les 50 %. L’entreprise a donc collaboré avec Google pour mettre au point un processus permettant d’évaluer la probabilité qu’un client renvoie des marchandises. Les clients dont la probabilité de retour était plus élevée recevaient de Google des conseils et des publicités différents de ceux des autres acheteurs. OMODA tente ainsi d’influencer le comportement d’achat au cours du processus d’achat !

La deuxième grande tendance est celle de la durabilité. Le commerce électronique a sans aucun doute eu des répercussions sur l’environnement, qui vont peut-être à l’encontre de la voie que nous voulons emprunter en tant que consommateurs. Concilier l’augmentation des achats et la protection de la planète est une véritable gageure. De nombreuses entreprises mettent en œuvre des initiatives durables visant à réduire leur empreinte carbone. Parmi ces mesures, citons les véhicules électriques de manutention et de livraison, les entrepôts écologiques, les emballages respectueux de l’environnement et une réduction générale des déchets de matériaux. C’est notamment le cas dans le domaine de la mode, où des innovateurs proposent des services de réparation vous incitant à ne pas jeter votre jean ou votre veste trop tôt.

Outre les efforts accrus déployés du côté de l’offre, nous observons des interventions de la part des pouvoirs publics. Par exemple, le Parlement européen a récemment approuvé une nouvelle réglementation européenne en matière d’emballages. Ce règlement vise, entre autres choses, à réduire la quantité croissante de déchets et à stimuler l’économie circulaire. Les entreprises seront ainsi appelées à réduire la quantité de déchets d’emballage en plastique et à se limiter à un taux d’espace vide maximal de 50 %.

En outre, certains types d’emballages plastiques à usage unique seront interdits. L’un des objectifs consistera à réutiliser les emballages de boissons alcoolisées et non alcoolisées. Par ailleurs, tous les emballages (à l’exception du bois léger, du liège, des textiles, du caoutchouc, de la céramique, de la porcelaine et de la cire) devront répondre à des critères de recyclabilité stricts. Les opérations du commerce électronique seront ainsi soumises à une pression supplémentaire pour répondre aux exigences de durabilité imposées par ces nouvelles règles, en particulier dans leurs flux de retour.

Concilier l'augmentation des achats et la protection de la planète est une véritable gageure.

Au cours de la décennie le boom du commerce électronique a ouvert de nombreux nouveaux marchés et de nouvelles voies, et a permis à de nombreuses entreprises de réaliser des bénéfices. Parallèlement, la fragmentation des commandes a contraint les entreprises à repenser leurs processus afin d’éviter des coûts excessifs. Le flux croissant des retours, conjugué à une pression accrue en faveur de la durabilité, conduira à des innovations massives dans les organisations logistiques au cours des années à venir. À ce titre, l’écologie, associée à une efficacité maximale, est la clé du succès.

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