Logistique

Maîtriser la logistique des retours

Par Gian Schiava

Février 2022

Comment exploiter à son avantage les retours de marchandises

Une chaîne d’approvisionnement est constituée d’un réseau d’entreprises, fournisseurs, ressources, activités et technologies qui commence à la source avec les matières premières et crée un flux qui prend fin avec la livraison au client final. La chaîne d’approvisionnement, ou canal de distribution, coule vers l’aval comme une rivière. L’essor du commerce en ligne génère une nouvelle rivière qui remonte vers la montagne : le flux des marchandises retournées. Comment un responsable logistique peut-il gérer ce flux inhabituel ? Gian Schiava tente d’appréhender ces défis particuliers et leurs solutions avec le concours d’un expert.

Les effets de la pandémie de 2020/21 ont transformé ce qui était jusqu’alors un faible courant contraire dans certains secteurs en un véritable tsunami. En effet, renvoyer des marchandises engendre une manutention supplémentaire et des surcoûts pour le prestataire. Les entreprises doivent faire face à des consommateurs qui souhaitent un retour gratuit avec une expérience du renvoi des marchandises qui doit être fluide et simple, sans quoi ils iront acheter ailleurs.

Pas besoin d’une grande imagination pour voir que la gestion de ces retours peut être compliquée et coûteuse, mais elle crée également des opportunités. Pour mieux comprendre, Eureka a interrogé Peter de Henau, Directeur général de Savoye, un spécialiste français de l’intralogistique et intégrateur de systèmes.

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Peter de Henau, Directeur général de Savoye

Eureka : quelle est l’ampleur du flux de retour de marchandises par rapport aux expéditions normales ?

Peter : « Il est difficile de donner un chiffre exact. En moyenne, nous sommes probablement entre 13 et 15 % des achats en ligne. Toutefois, dans certains pays, on observe des chiffres entre 30 et 50 %, où les acheteurs particuliers retournent au moins un colis par an ».

Eureka : quelle est la différence par secteur ? Quel secteur fait face au plus gros flux de retour ?

Peter : « Là aussi on observe des disparités régionales, mais les secteurs ayant le plus de retours sont similaires partout. La majorité se situe dans la mode, avec jusqu’à 30 % de retours, suivie de l’électroménager avec 7 à 11 %. Les marchandises les moins renvoyées sont les livres et les DVD, pour lesquelles le choix semble être fait très soigneusement. Dans l’ensemble, on peut dire que moins il y a d’options, moins il y a de retours.

« Un aspect particulièrement intéressant est le pourcentage très élevé des retours dus à des produits abîmés ou qui ne fonctionnent pas. Les revendeurs doivent donc s’intéresser au conditionnement des marchandises et à la qualité de leurs procédés de manutention dans les entrepôts. Le transport et le tri dans l’entrepôt comptent parmi les process qui pourraient être revus ».

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« La logistique des retours est effectivement un flux entrant particulier qui demande beaucoup de travail. »

Eureka : quelles sont les difficultés propres à la logistique des retours ? En quoi ce flux diffère-t-il de celui des autres marchandises reçues ?

Peter : « La logistique des retours est effectivement un flux entrant particulier qui demande beaucoup de travail. Les produits doivent être vérifiés, éventuellement réparés en interne ou en externe, reconditionnés, stockés et remis en stock. En particulier dans le domaine de la mode, cela implique un niveau élevé de main d’œuvre à des postes de travail dédiés. La vitesse de traitement est essentielle, surtout avec les articles saisonniers et/ou de mode, et également en raison du délai de remboursement prévu. Souvent, le produit ne peut pas être réparé en interne et, selon sa valeur, il doit être retourné au fabricant, voire même être considéré comme une perte sèche. Cela crée encore de nouveaux flux que l’entrepôt doit traiter. Représentez ces flux sur un plan et voyez comment les améliorer.

« Le nombre d’options de retour pour les clients qui souhaitent renvoyer un article augmente. Les produits peuvent être achetés en ligne mais renvoyés via un point de distribution réel ou vice versa. Le suivi est capital. Vous devez savoir en temps réel le stock total, le stock disponible, les fournitures qui entrent et les produits retournés. Les systèmes informatiques doivent fournir ces informations et collecter en permanence les données nécessaires ».

Eureka : que doit faire un gestionnaire d’entrepôt pour mieux gérer ces flux ?

Peter : « Séparer tous les flux, nouvelles commandes et retours, dès la réception des marchandises, et prévoir des zones de traitement dédiées. Il faut également veiller à ce que les systèmes de manutention soient adaptés pour gérer ces flux et que les processus de gestion de vos systèmes informatiques soient distincts. Dressez régulièrement un schéma concret de ces flux incluant l’ensemble des opérations logistiques, notamment les flux de retour. Utilisez ce schéma pour déterminer comment faire évoluer la configuration de l’entrepôt et/ou évaluer si une automatisation de certains flux peut constituer un intérêt opérationnel et financier.

« Utilisez également votre WMS (warehouse management system, système de gestion d’entrepôt) pour élaborer un process des retours. Mettez en œuvre ce process, notamment le suivi et le traçage via la réimpression d’étiquettes, afin de réduire les coûts d’exploitation. De plus, effectuez un suivi de vos clients et identifiez ceux qui abusent du système. Traitez l’ensemble des données via des modèles de décision concrets afin d’ajuster les process ».

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Le suivi et le traitement correct des commandes semblent être déterminants dans la création d’une expérience d’achat positive, mais d’autres opportunités apparaissent pour utiliser le flux des retours et dégager un avantage concurrentiel. Par exemple, certaines entreprises l’utilisent pour montrer l’importance qu’elles accordent au développement durable. Elles réduisent la taille de leurs emballages, ce qui supprime les matériaux visant à combler les espaces vides et diminue le transport de colis à moitié vides. De plus en plus de consommateurs accordent beaucoup d’importance à ces efforts lors de leurs achats en ligne.

Peter de Henau souligne une autre tendance. « Malgré les opportunités, on ne peut pas ignorer les coûts engendrés par ces flux à contre-courant. Vous pouvez améliorer l’efficacité de traitement de vos retours, mais vous vous pouvez aussi prendre des mesures pour réduire le nombre de retours. Après plusieurs années de retours gratuits, on observe une tendance inverse avec la réapparition du paiement (partiel) ».

La logistique des retours est bien ancrée. Des process positifs de gestion des retours entraînent une fidélisation de la clientèle. Les expériences négatives semblent avoir des conséquences plus néfastes et peuvent pousser les acheteurs à se détourner définitivement d’une entreprise. Alors à vous de jouer…

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