Productivité

Avez-vous besoin d’une boule de cristal ?

Par Gian Schiava

MaI 2023

Comment prévoir la demande de main-d’œuvre en entrepôt

Que peut faire un logiciel de gestion de la main-d’œuvre (LMS) pour les opérations relatives à l’entreposage ? Quels sont ses défauts ? Quel est son avenir ? Et comment garder intacte la motivation de vos employés lorsque leurs tâches sont de plus en plus souvent attribuées par des logiciels ? Gian Schiava examine les défis que doivent relever les logiciels de gestion de la main-d’œuvre et le rôle de l’apprentissage automatique dans cette optique.

Le problème fondamental auquel sont confrontés les gestionnaires est qu'il n'est pas toujours évident de savoir ce qu'un logiciel de gestion de la main-d'œuvre doit vous permettre de faire.

Face à l’essor du commerce électronique, au nombre croissant de canaux de vente et à la pression toujours plus forte des échéances, les professionnels de la Supply Chain attendent de leur entreprise qu’elle soit plus réactive que jamais. Les commandes sur Internet peuvent être passées à tout moment et doivent être honorées rapidement, parfois en quelques heures seulement.

Afin d’organiser efficacement les activités et de définir les priorités, les responsables d’aujourd’hui s’appuient sur un système de gestion d’entrepôt (WMS) déployé à grande échelle. Cependant, un WMS se concentre principalement sur vos produits et les systèmes disponibles, et dans une moindre mesure sur votre personnel. C’est là que le logiciel de gestion de la main-d’œuvre (LMS) entre en jeu.

Un outil qui n’est pas si nouveau que ça

En approfondissant la question, nous apprenons que les premières solutions logicielles de gestion de la main-d’œuvre sont apparues sur le marché il y a plus de dix ans. Depuis lors, de nombreux fournisseurs de systèmes WMS ont intégré un outil de gestion LMS dans leur offre. Si la gestion de la main-d’œuvre dans les environnements de production était monnaie courante, l’adaptation des ressources humaines aux systèmes d’entreposage et à la production de commandes semblait être une autre paire de manches.

Autrefois, les professionnels de la logistique réagissaient au jour le jour aux besoins en main-d’œuvre. Armés des données issues du progiciel de gestion intégré (PGI) (ou du service des ventes) et d’un fichier Excel, ils tentaient d’anticiper au mieux la demande. Pour ce faire, ils devaient convertir les données « brutes » en chiffres reflétant la charge de travail effective. Bien souvent, des travailleurs intérimaires étaient engagés sur la base d’une estimation que l’on espérait correcte de la charge de travail.

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Y a-t-il trop de travailleurs dans votre entrepôt, ou au contraire pas assez ? Il a toujours été très difficile d’anticiper l’évolution des besoins quotidiens.

Les défis de l’entrepôt

Le problème fondamental auquel sont confrontés les gestionnaires est qu’il n’est pas toujours évident de savoir ce qu’un logiciel de gestion de la main-d’œuvre doit vous permettre de faire. Il existe une multitude de descriptions marketing fantaisistes, mais la société néerlandaise IPL Consultants en propose une synthèse explicite : « Les outils automatisés aident les gestionnaires d’entrepôt à calculer quelle quantité de main-d’œuvre est nécessaire pour accomplir certaines tâches, et leur indiquent quelles sont les compétences spécifiques requises. Cependant, contrairement aux environnements de production, les entrepôts sont soumis à des délais de commande très courts. »

Cette contrainte de temps pourrait expliquer en grande partie pourquoi les outils de gestion de la main-d’œuvre n’ont pas encore été adoptés à grande échelle.

En poussant notre enquête, nous avons trouvé plusieurs autres raisons à cette faible adoption. Notre source est Grégory Lecaignard, chef de produits logiciels chez SAVOYE, un fournisseur de solutions intralogistiques (systèmes et logiciels) sur mesure. Les recherches approfondies menées par ce spécialiste français ont mis en lumière cinq obstacles majeurs à l’adoption des logiciels de gestion de la main-d’œuvre (LMS). De nombreux professionnels de la logistique considèrent que les solutions actuellement proposées :

  • Souffrent de cécité. La visibilité fournie par les systèmes quant à la charge de travail ne se rapporte souvent qu’à la situation immédiate. La vue d’ensemble à long terme fait cruellement défaut.
  • Requièrent un apport continu de données. Il est souvent nécessaire de saisir le planning complet de tous les opérateurs, ainsi que leur nom. Et le lendemain, même chose. C’est une activité chronophage
  • Sont limitées par une forme d’égocentrisme. Elles ne peuvent pas analyser les performances des processus qui ne sont pas contrôlés par le système WMS lui-même. Or, ce système d’information ne permet pas de suivre de nombreuses tâches importantes qui doivent être effectuées au quotidien, comme l’inspection des palettes ou les services à valeur ajoutée.
  • Sont imprécises. Ce problème est souvent dû à des différences de vision entre le fournisseur de la solution et l’opérateur lui-même.
  • Manquent de clarté en ce qui concerne le retour sur investissement. Compte tenu des défauts évoqués ci-dessus, tout calcul du retour sur investissement est voué à l’éche.
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Grégory Lecaignard, Chef de produit logiciel, SAVOYE.

L’apprentissage automatique est déterminant

Pour Grégory Lecaignard, les outils automatisés de gestion de la main-d’œuvre ne commenceront réellement à s’imposer qu’avec la mise en place d’algorithmes d’apprentissage automatique. Ce n’est qu’à cette condition que le logiciel LMS sera en mesure de faire des prévisions adéquates sur lesquelles le gestionnaire pourra se baser pour anticiper en temps opportun les ressources humaines nécessaires. En l’absence de telles informations, vous devrez toujours faire face au coût que représente des effectifs en surnombre dans l’entrepôt ou, pire encore, aux retards de livraison résultant d’un manque flagrant de personnel.

En outre, un système apprenant ne se contente pas de planifier, mais il gère également la répartition de toutes les tâches aux bonnes personnes, en tenant compte des compétences de chacun des travailleurs, de leur expérience et d’autres facteurs.

Et Grégory de conclure : « La gestion de la main-d’œuvre devrait être une fonction clé d’un centre de distribution. Mais à défaut de prévisions, un tel système est complètement aveugle. Les prévisions sont parfois disponibles dans un autre système, mais les données sont exprimées en unités de vente et jamais en termes de charge de travail attendue. Seul un système de prévision fondé sur l’apprentissage automatique, intégré au système de gestion de la main-d’œuvre lui-même, produira des résultats fiables et détaillés auxquels le gestionnaire pourra faire appel afin de déterminer le nombre de travailleurs qu’il doit embaucher pour le prochain cycle. Un bon système d’apprentissage automatique disposant de suffisamment de données historiques (plus de 15 mois) peut anticiper jusqu’à 30 jours et produire des résultats assortis d’une marge d’erreur de 5 à 10 % seulement. »

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Les LGMO (logiciels de gestion de la main-d’œuvre), combinés à l’apprentissage automatique, permettront de prévoir avec précision les besoins en main-d’œuvre dans les entrepôts.

Ajoutez-y ensuite un soupçon de motivation

Outre la coordination parfaite des personnes et des ressources, le gestionnaire bénéficie d’autres avantages. Il ou elle pourra se faire une idée de la productivité, par canal, par activité et même par individu. Le système pourrait donc également être utilisé pour mettre en place des rémunérations axées sur le rendement – mais étant donné l’actuelle rareté de la main-d’œuvre, cela pourrait bien être la mauvaise voie à suivre.

Au lieu d’utiliser les nouvelles perspectives issues du logiciel LMS à la manière d’un instrument coercitif, il est préférable de les appliquer à une forme d’encouragement appelée « ludification ». Derrière cette tendance se cache l’idée d’augmenter la productivité des employés en les motivant et en rendant leurs tâches plus ludiques. Ainsi, des éléments ludiques applicables tant aux individus qu’aux équipes pourraient être ajoutés dans le but de promouvoir des objectifs spécifiques.

La ludification, associée à la gestion de la main-d’œuvre, peut présenter de multiples avantages – et pas seulement en matière de meilleure planification des ressources et de réduction des coûts. Cette association peut se traduire par une plus grande implication, davantage de transparence et, cerise sur le gâteau, le maintien – voire le renforcement – d’une main-d’œuvre loyale et compétente.

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