Technologie

Les Robots Arrivent ?

Par Ruari McCallion

Mars 2022

Automatisation des entrepôts : jusqu’où et à quelle vitesse ?

La manutention a-t-elle fait un grand bond en avant en matière d’automatisation ou l’image des « entrepôts sans éclairage » est-elle davantage le fruit de l’imagination que le reflet de la réalité ? Ruari McCallion s’entretient avec des utilisateurs et des fournisseurs sur l’état actuel de la technologie et la forme probable de l’automatisation des entrepôts dans un avenir proche.

L’époque où les robots étaient uniquement capables de répéter inlassablement la même tâche est révolue. La nouvelle génération concerne : les « cobots » (des robots collaboratifs capables de travailler aux côtés des êtres humains sans nécessiter de cages de protection ; les équipements pouvant être rapidement réaffectés d’une tâche à une autre ; et des cellules intégrées qui font appel à des robots à l’ancienne « non intelligents » (très efficaces dans les tâches répétitives) pour remplir différentes fonctions, comme la dépalettisation et le chargement.

Cependant, pour de nombreux entrepôts, la technologie dernier cri ne fait pas vraiment partie des investissements envisagés. Les besoins immédiats concernent plutôt une automatisation moins complexe pour des tâches rudimentaires, comme la palettisation et la dépalettisation.

La nécessité d’automatiser : main-d’œuvre et coûts

La nécessité tend à dicter le degré d’urgence ressenti par les utilisateurs à l’égard de leurs systèmes. En particulier, l’attrait des solutions automatisées est influencé par les salaires et les coûts de la main-d’œuvre.

« L’utilisation de la technologie à l’ancienne prédomine dans la majorité des entrepôts et les coûts associés à la main-d’œuvre sont faibles en Arabie saoudite. » Tel est l’avis de Raed Hunaidi, chef de produit Manutention chez Machinery Alternative Solutions, le concessionnaire local de chariots élévateurs Cat® du Royaume-Uni, qui fait partie du groupe de sociétés Zahid, dont le siège est à Djeddah, en Arabie saoudite. Le travail manuel et les machines de manutention conventionnelles sont la norme.

Parmi les obstacles freinant l’adoption des systèmes les plus modernes figurent le faible coût de la main-d’œuvre, les coûts d’investissement élevés et des connaissances insuffisantes pour des projets d’une telle ampleur et d’une telle complexité. Les craintes sont fondées : passer d’un système manuel à une automatisation complète, c’est un peu comme essayer de monter à bord d’un train qui passe à cent à l’heure.

C’est une question de marche, puis de trot, puis de galop, puis de course – le bon rythme pour la bonne situation.

Robots_content_images_1.6

Raed Hunaidi, chef de produit Manutention chez Machinery Alternative Solutions.

Robots_content_images_1.4

Michael Payne, responsable du secteur de l'alimentation et des boissons au Royaume-Uni, secteur d'activité robotique, chez KUKA Robotics UK Ltd.

Pénurie de main-d’œuvre et commerce électronique

La pénurie de main-d’œuvre est l’un des moteurs de l’automatisation, notamment en ce qui concerne la main-d’œuvre intérimaire ou saisonnière. En modifiant le comportement des consommateurs, la pandémie de Covid a aggravé le problème. Les achats effectués directement dans les commerces de détail ont été considérablement affectés par les fermetures et les restrictions de déplacement, tandis que le commerce électronique et les ventes en ligne ont connu l’effet inverse.

Dans toute l’Europe, les achats en ligne ont augmenté jusqu’à dépasser 16 % du total en 2020, selon le portail de statistiques Statista. Il était prévu qu’ils retombent à 15,3 % en 2021. C’est l’Allemagne qui est en tête des achats en ligne européens, avec un peu moins de 20 % de part de marché en 2020, et une prévision de 18,7 % en 2021. (Les chiffres sont respectivement de 26 % et 24,3 % pour le marché britannique, et de 14,3 % et 13,8 % pour le marché français). Près de 70 % des consommateurs âgés de 55 ans ou moins ont acheté en ligne en 2020. La proportion des plus de 55 ans ayant réalisé des achats en ligne est passée de 50 % en 2015 à 57 % en 2020, soulignant une accélération du rythme.

Même dans les grandes entreprises, l’attention est généralement portée sur des équipements assez simples.

« Beaucoup d’entreprises, notamment les plus grandes, optent pour la palettisation robotisée. C’est actuellement le marché qui connaît la croissance la plus rapide dans le secteur de l’alimentation et des boissons (F&B)», déclare Michael Payne, responsable du secteur de l’alimentation et des boissons au Royaume-Uni, secteur d’activité robotique, chez KUKA Robotics UK Ltd.

« Il est rare que nous recevions une demande qui concerne d’emblée les robots et tous les palettiseurs, alors nous commençons par parler des palettiseurs, puis des équipements auxiliaires qui s’y rattachent, et enfin nous pouvons entamer la discussion sur les AGV (véhicules automatisés) », poursuit-il. « Quant aux robots collaboratifs (ou « cobots »), les gens les ont vus, ils pensent qu’ils sont plus faciles à programmer, qu’ils n’ont pas besoin de surveillance, etc. Je dois cependant souligner que nous aboutissons généralement à des solutions non collaboratives. Les robots collaboratifs sont très utiles pour ouvrir des portes, mais les véritables solutions collaboratives, où un robot et un humain se transmettent physiquement des objets et construisent la même chose, sont très rares. »

Raed Hunaidi constate une situation similaire en Arabie saoudite, où des grandes entreprises non saoudiennes explorent des options d’automatisation plus avancées, comme les robots collaboratifs, tandis que le grand marché intérieur est toujours en phase d’étude sur la question.

« Nous avons remarqué que les entreprises internationales de logistique testent ces concepts », se réjouit-il. « Je pense que l’avenir appartient à la robotique et à l’automatisation plus avancées, mais l’investissement dans une automatisation simple constitue la première étape. » Il souligne que le groupe Zahid investit lui-même continuellement dans des technologies destinées à améliorer les opérations d’entrepôt des clients.

Robots_content_images_1.5

Neil Mead, responsable de zone de vente chez KUKA Robotics UK.

Robots_content_images_1.1

Les technologies automatisées fournies par Zahid Group pour faciliter les opérations d'entrepôts comprennent des simulateurs de formation. Ces derniers peuvent être utilisés pour les chariots élévateurs ainsi que pour des équipements plus volumineux. (Photo : Zahid Group).

Retour sur investissement (ROI), sécurité de l’emploi et sécurité des travailleurs

Neil Mead, responsable de zone de vente chez KUKA Robotics UK, rejoint son collègue sur ce point.

« Les bénéfices à court terme sont légion et il existe une grande marge de manœuvre pour l’automatisation de base. Il y a un grand écart entre les deux extrêmes que sont les installations d’Amazon ou d’Ocado et les opérations manuelles », dit-il. « Les principaux obstacles sont typiquement : les dépenses, le retour sur investissement (ROI) et la crainte des pertes d’emploi. »

Les problèmes financiers et d’emploi peuvent être réglés assez facilement.

« Il existe de nombreuses façons de financer les investissements en capital et le retour sur investissement est assez facile à démontrer » explique Neil Mead. Dans une situation où la pénurie de main-d’œuvre entraîne l’automatisation, la crainte des pertes d’emploi devrait être moins préoccupante qu’elle ne l’est. En effet, l’automatisation peut grandement contribuer à la protection des travailleurs, à l’amélioration de la qualité et à la réduction du gaspillage, ce qui est bon pour la satisfaction des clients et, par conséquent, pour la sécurité de l’emploi.

Thatcher’s Cider

Thatchers Cider, qui fabrique et distribue du cidre dans le sud-ouest de l’Angleterre, a automatisé sa cellule de palettisation et de dépalettisation des fûts pour améliorer son efficacité, réduire les dommages causés aux fûts et améliorer la sécurité. Le système initial de déchargement des fûts nécessitait que les conducteurs de chariots élévateurs répartissent les palettes sur  trois niveaux, et qu’ils placent ensuite les fûts précisément sur la ligne de convoyage, assez rapidement pour suivre la cadence de 450 fûts/heure imposée par la ligne.

SCM Handling a mis en place une cellule automatisée reposant sur deux robots qui ont facilement suivi la cadence de la ligne, amélioré la santé et la sécurité, et présenté une meilleure répétabilité, à savoir : un modèle KUKA KR 120 qui saisit les planches de séparation interposées entre chaque couche de six fûts, et un modèle KR 700 PA de 700 kg de charge utile qui saisit et empile les fûts. Le robot KR 700 offre une hauteur de levée de 3 320 mm, ce qui lui permet de desservir les hauteurs de convoyeur existantes.

 

Robots_content_images_1.2

Cellule de palettisation/dépalettisation KUKA. Photo : Thatchers Cider

Des piles de 18 fûts vides sont déplacées des camions vers l’extrémité de chargement de la cellule. Une unité de centralisation les met à l’équerre avant que le robot KUKA KR 120 ne retire la planche intermédiaire, ce qui permet au robot KR 700 de soulever six fûts à la fois et de les placer sur le convoyeur, afin qu’ils soient inspectés et nettoyés avant d’être remplis à nouveau.

Les fûts remplis arrivent de l’autre côté de la cellule. Le robot KR 700 pivote de 180 degrés, du côté entrant vers le côté sortant, et empile les fûts de 30 ou 50 litres en trois couches de six, et le robot KR 120 positionne les planches intermédiaires. Des capteurs et un programme informatique garantissent que chaque couche et chaque planche intermédiaire sont positionnées avec précision, éliminant ainsi les risques de basculement rencontrés dans le cadre de la manutention manuelle.

Automatisation du conditionnement du vin

L’intégrateur CKF a récemment conçu, installé et mis en service un nouveau système complet d’alimentation en caisses et de palettisation pour une entreprise de commerce électronique et de vente de vin au détail. Le nouveau système a permis à l’entreprise d’absorber une augmentation de 50 % de la demande en 2020 et d’améliorer du même coup la productivité de 65 % à 98 %. CKF a installé un équipement entièrement automatisé de palettisation par couches doté d’un système d’alimentation par accumulation multivoie monté sur un nouvel entresol.

Robots_content_images_1.3

Système automatisé d'alimentation en caisses de vin et de palettisation. Photo : CKF Systems.

Print