Logistique

Lean manufacturing : leçons pour la logistique

Par Gian Schiava

Janvier 2012

Les entreprises qui survivront à l’environnement difficile actuel seront celles qui feront de leur mieux pour s’améliorer. Parfois, il est intéressant d’examiner les pratiques réussies des autres et de les adopter. Plusieurs sociétés de logistique s’intéressent actuellement à la gestion lean manufacturing (au plus près) pour tenter d’améliorer leurs processus.

Gian Schiava étudie la façon dont la logistique s’adapte au lean et examine de près la méthodologie 5S.

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Ci-dessus: Les systèmes de production lean sont souvent représentés sous forme de maison avec de solides fondations.

  1. De meilleurs profits en éliminant les gaspillages
  2. Juste à temps (JAT)
  3. 7 Gaspillages5S
    – Amélioration continue (Kaizen)
    – SMED (Single Minute Exchange of Dies)
    – Gestion visuelle
    – Recherche d’erreurs
    – TPM (Total Productivity Management)
    – Travail normalisé
  4. Prévention des répétitions
    (Jidoka)
    Qualité et productivité
  5. Nivelage de la production

Tout d’abord, nous devons comprendre en quoi consiste le lean manufacturing. Il s’agit essentiellement d’une approche de gestion qui veille à éliminer ou réduire toutes les activités qui n’ajoutent pas de valeur. L’idée centrale est que, en produisant au plus juste, la qualité des produits s’améliorera et les coûts de fabrication diminueront. L’attention se porte sur les activités actuelles et les façons dont elles peuvent être rendues aussi efficaces que possible. Bien que l’approche lean et ses diverses techniques soient connues grâce à des exemples japonais, ses origines se retrouvent dans des principes britanniques et américains, conçus par des personnes telles que W. Edwards Deming et Henry Ford. Cependant, il a fallu des décennies avant que les sociétés occidentales ne commencent à réapprendre et mettre en oeuvre les techniques et disciplines recommandées.

« L’idée centrale est que, en produisant au plus juste, la qualité des produits s’améliorera et les coûts de fabrication diminueront. »

Dans tout domaine commercial, les nouveaux modes de pensée sont adoptés par de nombreux nouveaux « gourous » qui modifient des concepts à leur façon. Dans certains cas, ils cherchent simplement à devenir des relais d’opinion mais, parfois, un théoricien intelligent ajoute de nouvelles perspectives, qui mènent à une nouvelle approche de gestion. Parmi les méthodes élaborées pendant la seconde moitié du siècle dernier figuraient Kaizen, Throughput reduction, Pull production, Line balancing, 5S, TQM, Quality Circles, SPC, PDCA (également appelé PDSA) et OEE. De nouvelles idées sont sans doute en création en ce moment-même.

The Big Guns

La grosse artillerie
Nous allons examiner le 5S plus en détail, mais nous pouvons dire sans aucun doute que ces approches cherchent à identifier les problèmes, à éliminer l’activité superflue, à réduire le nombre total d’étapes de processus et à remanier les points faibles. La réussite de ces méthodes, basées sur une discipline, a vite été connue et adoptée par de nombreuses entreprises.

Six Sigma est devenu l’une des méthodes de gestion de la qualité les plus connues. Cette méthode ne consiste pas seulement à améliorer la fabrication, elle s’applique à tous les processus commerciaux. Elle est fondée sur le contrôle statistique des processus (SPC), qui calcule le sigma (déviation standard) de trois à six unités, en étapes de 0,5 unité. Elle intègre des éléments des programmes Quality Circle et des méthodes d’échantillonnage dérivées de Deming.

L’approche de Deming met le focus sur la qualité, qui mène à une augmentation de la qualité et une chute des coûts, et sur les coûts, qui mène à une baisse de qualité et une augmentation des coûts. Des procédures établies, fondées sur le recueil des données, sont utilisées pour résoudre les problèmes. Six Sigma se concentre particulièrement sur les clients et la satisfaction client, expression qu’on entend souvent au sein des équipes de projet. De grandes entreprises comme General Electric, Motorola, Siemens, Caterpillar, Microsoft et Xerox ont mis en oeuvre Six Sigma.

 

« L’approche de Deming met le focus sur la qualité, qui mène à une augmentation de la qualité et une chute des coûts, et sur les coûts, qui mène à une baisse de qualité et une augmentation des coûts. »

La plupart des méthodes font appel à des équipes multifonctions, qui enquêtent sur les points faibles désignés. Les étapes des processus sont analysées et leurs coûts peuvent aussi être déterminés – c’est pourquoi des représentants financiers participent souvent à ces équipes. En fin de processus, des recommandations seront proposées sur l’élimination, la réduction ou l’application des étapes.

La logistique lean

Les professionnels de la logistique ont soigneusement examiné ces méthodes dans le but d’améliorer les processus logistiques. L’expression « logistique lean » a commencé à être entendue au début de ce millénaire. L’objectif est de réduire le stock le plus possible, afin de réduire le délai nécessaire pour transporter les produits de A à B et, par la même occasion, réduire les coûts le plus possible. Les résultats varient d’une situation à l’autre. Les employés ont dû s’habituer à travailler de manière très disciplinée, d’après le partage de toutes sortes de statistiques et de données. Quelle que soit la méthode adoptée, la direction doit montrer l’exemple. Si les dirigeants commencent à se relâcher, à diminuer la motivation et semblent se désintéresser, tout le monde les suivra rapidement.

Certains résultats spectaculaires ont été obtenus grâce à la mise en oeuvre de Kaizen, Visual Management et de la méthode 5S. L’encadré ci-contre explique en détail le système 5S, qui a pour but d’améliorer l’environnement de travail. En optimisant le cadre de travail des employés, il est possible de réduire les déchets et de susciter une amélioration de la qualité. Un lieu de travail bien organisé comporte de nombreux avantages, notamment des améliorations de sécurité et un meilleur travail, dus à une meilleure organisation. Cela ne s’arrête pas là : il s’agit d’une amélioration continue, comme avec Kaizen (qui signifie littéralement « amélioration continue »).

Ce système est en fait basé sur un nettoyage important. Le laisser-aller et le manque de propreté mènent à des accidents. Le système 5S nécessite un lieu de travail propre, bien organisé et rangé. La sécurité s’en trouvera augmentée et la qualité de travail en bénéficiera par la même occasion.

Avantages d’ensemble

Toutes les mesures ci-dessus mènent à des délais de mise en place réduits, des périodes de cycle plus courtes, un entrepôt plus spacieux, des taux réduits d’incident/accident, une maind’oeuvre moins gaspillée et/ou un équipement plus fiable. Plutôt intéressant, non ?

Cela peut certainement sembler trop beau pour être vrai. D’ailleurs, il y a eu des échecs. Sans le soutien des dirigeants, l’élan donné n’est pas maintenu. D’autre part, un excès d’ambition peut conduire les entreprises à aller trop vite. Essayer de passer d’un lieu de travail encombré à une entreprise LeanSigma en une seule étape revient à prendre un train express qui traverse une gare à 100 km/h. C’est impossible, si bien que la déception mène à l’abandon. Il vaut mieux commencer par 5S, puis progresser.

Conclusion

Les professionnels de la logistique peuvent s’inspirer des méthodes de gestion qui ont fait leurs preuves en matière de fabrication lean. Pour réussir, il faudra adapter ces idées à votre lieu de travail et, puis veiller à ce qu’elles soient appliquées. Rien n’est impossible, mais on n’obtient rien sans travailler dur.

5S en détail
S1 – Seiri : Nettoyage de la zone de travail
Le secret consiste à différencier ce qui est nécessaire du superflu. Éliminez tous les objets qui ne sont pas utilisés ou qui sont simplement posés là. Conservez tout ce dont avez fréquemment besoin pour votre travail. Des données de fréquence d’utilisation servent à classer les objets par catégorie dans l’entrepôt.

S2 – Seiton: Un bon rangement
Rangement systématique des objets, de façon à ce que tout le monde puisse y accéder rapidement en cas de besoin. L’ergonomie et l’hygiène sont les maîtres mots.

S3 – Seis: Propreté et inspection
Nettoyez tous les sols, murs et objets (machines, outils, rayonnages). Éliminez les causes d’incident, de gêne et d’échec. Instaurez des méthodes de nettoyage régulier. Élaborez des responsabilités, des règles et des réglementations.

S4 – Seiketsu: Normalisation
La normalisation assure la durabilité des trois premières étapes. Des aides visuelles (graphiques, panneaux) sont souvent utilisées pour donner un aperçu rapide des résultats. Les surprises, menant à une réduction inattendue des résultats, doivent être éliminées.

S5 – Shitsuke: Viabilité
C’est sans doute l’étape la plus difficile. Elle consiste à veiller à ce que tout continue à être mis en oeuvre comme prévu. Cette étape s’appuie sur des audits, des listes de vérification, ainsi de suite. Les évaluations régulières ou les réunions d’équipe sont nécessaires.

Le monde réel
Exemples de méthodologie 5S dans les opérations de logistique :

1. DHL
Le programme adopté par ce spécialiste du fret et des expeditions aux Pays-Bas a nécessité que les employés réagencent l’entrepôt et modifient les méthodes de travail existantes. Cette concentration sur la qualité leur a valu les prix « Entrepôt le plus sûr » (aux Pays-Bas) et « Reconnu pour son excellence » de la Fondation européenne pour le management par la qualité. De plus, DHL cherche à respecter les normes de qualité ISO 9001, 14001 et 18001.

2. Nedtrain
Nedtrain, qui s’occupe de toutes les pièces détachées pour les chemins de fer néerlandais, a été l’un des trois candidats en lisse pour le titre néerlandais de « Entrepôt le plus sûr » pour 2010. Le rapport du jury décrit comment l’entreprise cherche à s’assurer que les mécaniciens n’ont pas à se préoccuper d’autre chose que de leur tâche. Au cours des trois années précédentes, la place prioritaire accordée à la sécurité dans l’entrepôt a mené à une réduction de 80 % du taux d’accident. Cet accomplissement repose sur une exécution parfaite de la méthodologie 5S. Les 13 employés de l’entrepôt, qui participent fortement aux questions quotidiennes et aux décisions à long terme, sont parvenus à un taux d’absentéisme très faible d’à peine 2,5 %. Le personnel a prévu lui-même la plupart des aspects de la sécurité de son lieu de travail, y compris des transporteurs de charge spécialement conçus. Nedtrain obtient de très bons scores dans les enquêtes de satisfaction auprès du personnel.

3. Boston Scientific
Chez un distributeur de fournitures médicales, un environnement très propre n’a rien de surprenant. L’entrepôt est très bien éclairé, ce qui manque souvent dans les environnements d’entrepôt. Cette entreprise a des lignes de communication très courtes, publie des KPI sur les panneaux de l’entrepôt et donne aux employés la possibilité de proposer des idées d’amélioration. Elle surveille étroitement la façon dont les employés travaillent avec leur équipement de manutention. La devise est que, lorsqu’une équipe a terminé, elle doit laisser le lieu de travail comme elle l’a trouvé. Tous les jours, les caristes remplissent des formulaires de vérification. Au cours des dernières années, il n’y a eu aucun accident dû à un chariot élévateur.

4. Cat Lift Trucks
Il n’est pas surprenant de voir la méthode 5S à l’oeuvre à l’usine Cat Lift Trucks d’Almere, aux Pays-Bas, où elle a permis d’obtenir des espaces de travail très propres et plusieurs certifications. Nous avons publié un profil détaillé de la qualité intégrée à cette installation dans un numéro précédent d’eureka 14.

 

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