Économie

Stupéfaction et confusion

Par Ruari McCallion

Août 2021

DOCUMENTATION COMMERCIALE POST-BREXIT

Quelles sont les exigences en matière de documentation commerciale post-Brexit entre l’Union européenne et le Royaume-Uni et pourquoi certaines entreprises semblent-elles avoir plus de difficultés que d’autres ? Ruari McCallion demande des éclaircissements.

La décision de quitter l’UE, prise par le Royaume-Uni à l’occasion du référendum de 2016, a mis un sacré bâton dans les roues de ce qui apparaissait comme l’une des plus importantes relations commerciales transocéaniques au monde.

Depuis le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni n’est plus membre du marché unique de l’Union européenne. Les accords commerciaux transitoires, destinés à donner aux exportateurs des deux parties le temps de s’adapter aux nouvelles exigences, ont expiré le 31 décembre 2020. L’effet immédiat a été assombri par l’impact simultané de la pandémie de Covid-19, qui a tiré vers les bas-fonds les résultats économiques et commerciaux dans le monde entier, mais il y a également eu un ralentissement soudain et important du commerce à travers la Manche, la mer du Nord et la mer d’Irlande, que ce soit par voie maritime ou aérienne.

Le commerce de certaines marchandises a chuté de 50 %. Dans une certaine mesure, cela s’explique par la constitution de stocks avant l’échéance du 31 décembre, date de la fin de la période de transition et du lancement d’un nouvel accord commercial, mais il ne fait aucun doute que les nouvelles circonstances ont réduit le volume des échanges commerciaux, en particulier dans le secteur de l’alimentation et des boissons, et surtout dans celui des crustacés qui a largement défrayé la chronique. Les exportations totales du Royaume-Uni vers l’UE ont chuté de 40,7 % en janvier 2021, et les importations de 28,8 %, par rapport à la même période l’année précédente. Il y a eu un fort rebond depuis ces profondeurs, selon le Bureau des statistiques nationales (Office for National Statistics, ONS) du Royaume-Uni, qui souligne que les exportations totales en mars et avril 2021 étaient supérieures à la moyenne mensuelle de 2020.

Certaines organisations individuelles se sont plaintes de l’étranglement de leurs entreprises du fait des lourdeurs administratives. L’Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (Trade and Cooperation Agreement, ACC) est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne exigent désormais davantage de documents, à un niveau jamais vu depuis près de 30 ans. Est-ce simplement parce que les négociants internationaux ne sont pas habitués à la bureaucratie ? Ou est-elle vraiment devenue plus lourde ?

Le Royaume-Uni et l’UE sont convenus d’un commerce de marchandises à droits de douane nuls et à quotas nuls. Toutefois, pour bénéfi cier d’un accès en franchise de droits, les entreprises devront s’assurer que les marchandises répondent aux exigences des Règles d’origine. Les entreprises devront identifier l’origine complète de leurs marchandises et fournir des documents supplémentaires afi n d’y être admissibles. Compte tenu du court délai entre la conclusion des négociations de l’accord ACC et l’application de ce dernier, l’UE et le Royaume-Uni sont convenus conjointement d’une fl exibilité accrue dans la collecte des preuves documentaires pour justifi er l’origine au cours de la première année.

Marc Schouten, spécialiste des affaires douanières et commerciales pour Cat® Lift Trucks en Europe, dans la CEI, en Afrique et au Moyen-Orient, affi rme que la documentation pour les expéditions de l’UE vers le Royaume-Uni, et inversement, est pratiquement universelle et que les exigences sont généralement claires. Elles ne varient pas d’un secteur à l’autre, comme l’automobile et l’aérospatiale, mais il existe des exigences supplémentaires pour les « marchandises contrôlées », notamment les produits chimiques, les denrées alimentaires, les produits soumis à accises ou les animaux, pour lesquelles il faudra suivre des processus supplémentaires et produire d’autres documents. Il convient de souligner que ces marchandises contrôlées ne sont pas toutes couvertes par les mêmes réglementations et la même paperasserie. Elles varient en fonction du type de denrée (céréales, viande, poisson, crustacés, etc.), mais la documentation est la même, que les marchandises soient exportées vers l’UE ou vers le Royaume-Uni.

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Marc Schouten, spécialiste des affaires douanières et commerciales pour Cat® Lift Trucks en Europe, dans la CEI, en Afrique et au Moyen-Orient

« Les exigences en matière d’origine sont différentes pour les marchandises provenant de l’extérieur de l’UE », précise-t-il. « Les modalités de l’Accord de commerce et de coopération (ACC) permettent au Royaume-Uni et à l’UE d’utiliser les déclarations REX1 sur la facture, ce qui rend inutiles les certifi cats d’origine (C/O). Si les marchandises en provenance de l’UE et à destination du Royaume-Uni, et vice versa, sont généralement exemptes de droits de douane, une certaine confusion est apparue au sujet des marchandises originaires de l’extérieur de l’UE. Elles sont soumises à des droits de douane, même si elles arrivent au Royaume-Uni en provenance du continent européen. »

Sous l’effet du Brexit, les exportations et les importations entre l’UE et le Royaume-Uni sont devenues plus complexes. L’accord ACC entre les deux entités permet un commerce en franchise de droits, mais il n’est pas exempt de paperasse. Si les négociants internationaux se trompent dans les formalités administratives, les certifi cats d’exportation peuvent être refusés et les importations bloquées, retardées, voire refoulées. Le jeu en vaut donc la chandelle.

Les exportations totales du Royaume-Uni vers l’UE ont chuté de 40,7 % en janvier 2021, et les importations de 28,8 %

L’encadré synthétise les exigences, mais il n’est pas exhaustif.

Les guides de l’UE peuvent être consultés à l’adresse suivante europa.eu.

Exigences en matière de documentation post-Brexit

REMARQUE : ces informations ne sont données qu’à titre indicatif. Vous devez consulter les sites du gouvernement britannique et/ou de l’UE pour obtenir des informations plus complètes. L’avis d’un professionnel ou d’un spécialiste est recommandé.

• L’accord ACC exige des déclarations douanières et des formalités administratives pour traiter la circulation des marchandises. Il prévoit la reconnaissance mutuelle du programme de sûreté et de sécurité des Opérateurs économiques agréés (OEA), ce qui permet de rationaliser les procédures douanières pour les négociants agréés.

• Des contrôles frontaliers sanitaires et phytosanitaires (SPS) seront exigés pour le commerce d’animaux vivants et de produits d’origine animale, ce qui signifi e que les négociants en produits agroalimentaires devront faire face à des coûts et exigences documentaires supplémentaires.

• L’accès aux droits de douane et quotas nuls dépendra de la conformité des marchandises aux Règles d’origine requises conformément à l’accord2 pour être considérées comme « locales ». Les entreprises devront identifi er l’origine complète de leurs marchandises ainsi que fournir des documents supplémentaires afi n d’y être admissibles.

Le respect des directives et des instructions facilite le déroulement du processus. Prévoyez donc un temps de préparation suffi sant et tenez compte de l’alignement entre l’origine et la destination. En ce qui concerne les expéditions, la préparation peut prendre deux à trois jours de plus.

• Les numéros d’enregistrement et d’identifi cation des opérateurs économiques (EORI, Economic Operators Registration and Identifi cation) sont requis pour l’expéditeur comme pour le destinataire. Le numéro EORI est un numéro d’enregistrement et d’identifi cation européen pour les entreprises qui importent ou exportent des marchandises dans ou hors de l’UE.

  • Les factures commerciales nécessitent une nouvelle norme pour permettre les exportations. Chaque expédition doit être accompagnée d’une facture correcte et exhaustive ainsi que d’un bordereau d’expédition afférent.
  • Une attention particulière doit être accordée à la consolidation d’unités provenant de l’extérieur de l’UE et de l’UE.
  • Sur la base des documents d’exportation préparés, un numéro de déclaration (ENO) peut être demandé. Lorsque le numéro ENO est réceptionné, les unités peuvent être physiquement expédiées.
  • Toute modifi cation des numéros ENO peut créer un problème lorsqu’il s’agit de relier les expéditions avec la facture commerciale et le bordereau d’expédition.

• L’accord ne prévoit qu’une portée limitée en ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des évaluations de la conformité. Cela signifi e qu’à l’exception de quelques cas, les marchandises devront subir deux séries d’évaluations de la conformité au lieu d’une seule si une entreprise cherche à positionner un produit sur le marché du Royaume-Uni et sur celui de l’UE.

• Dans des secteurs spécifi ques tels que ceux des médicaments, de l’automobile, des produits organiques, du vin et des produits chimiques, le Royaume-Uni et l’UE sont convenus de rationaliser les évaluations de la conformité.

Tous nos remerciements à Cat Lift Trucks et toute notre reconnaissance à CBI (R-U).

1. REX : Système d’exportateur enregistré pour la certification de l’origine des marchandises applicable dans le Système généralisé de préférences (SGP) de l’UE. Il se fonde sur une autocertifi cation par les opérateurs économiques enregistrés dans les bases de données détenues par les autorités compétentes.

2. Voir l’accord ACC

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