Technologie

L’essor des drones

Par Ruari McCallion

Juin 2018

Les véhicules télépilotés augmentent leur portée

Le potentiel des véhicules télépilotés dans la logistique et la gestion des entrepôts a souvent été abordé ces dernières années, mais quelle est la réalité ? Ruari McCallion a envoyé des éclaireurs.

Si les histoires devenaient la réalité et si l’enthousiasme était le moteur de cette réalité, notre ciel serait maintenant rempli de véhicules aériens télépilotés ou drones, transportant des articles sur le « dernier kilomètre » jusqu’au consommateur final.

Cependant, notre ciel ne fourmille pas de machines volantes à quatre hélices transportant des courses alimentaires, des livres Amazon, des pièces automobiles ou autres composants personnalisés ; on les trouve encore davantage au rayon jouet des magasins qu’en train de vous déposer vos commandes à votre porte.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a eu aucun développement. En fait, cet enthousiasme s’est vite heurté à la réalité. Il a donc fallu réfléchir avant que les drones (volants ou terrestres) ne commencent à jouer un rôle dans les opérations de manutention, de logistique et de gestion des entrepôts, lieux qu’ils pourraient investir à juste titre.

À l’épreuve du « dernier kilomètre »

UPS et DHL envisagent activement l’utilisation de drones pour augmenter la portée des camionnettes de livraison. Mercedes-Benz a effectué des essais avec deux camionnettes complétées de drones pour faire des livraisons à Zurich, en Suisse, à des clients qui commandaient sur Siroop, une plateforme d’achats en ligne. Environ 100 vols ont été réalisés sans problème, et d’autres sont prévus pour 2018. Cependant, une des écoles de pensée prétend que les livraisons par drone pour le dernier kilomètre pourraient s’avérer moins pertinentes que prévu.

« Il y a des exemples d’essais de drones utilisés pour le dernier kilomètre, tels que le projet de Starship Enterprises, à Londres, pour la livraison de plats à emporter, mais de nombreux problèmes rendent cette application compliquée à utiliser, explique Robert Garbett, fondateur et PDG de Drone Major, plateforme Internet qui rassemble des fournisseurs de drones, des clients, des développeurs de logiciels et d’autres parties intéressées. Cette application semble avoir capté l’imagination des médias, mais c’est vraiment l’utilisation la moins intéressante des drones. Mais en attendant que des villes intelligentes se développent et puissent permettre l’accès des drones à chaque foyer, cette application aura du mal à s’implanter. »

L’opérateur peut voir en temps réel les données capturées sur sa tablette et peut interagir avec le drone.

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Un drone équipé d’un scanner peut faire gagner beaucoup de temps durant les inventaires.

Limiter les pertes

On trouve des rôles nouveaux et croissants pour les drones dans la gestion des entrepôts et des inventaires, car c’est un secteur qui doit être amélioré rapidement et considérablement. Walmart est l’une des nombreuses entreprises qui ont découvert, à leurs dépens financiers, qu’il était difficile de connaître précisément ses stocks dans les immenses entrepôts d’aujourd’hui. Dans son cas, certains sites de stockage couvrent presque 20 terrains de football. L’entreprise Walmart a annoncé qu’en 2013, elle avait perdu 3 milliards USD de revenus en raison des disparités entre les registres de stock et le stock réel. Les disparités peuvent rester inaperçues quelque temps, pour ne faire surface que lorsqu’un client demande un produits qui, en fait, n’est pas là – ou du moins qui est introuvable.

Le suivi des inventaires avait, en principe, été révolutionné par les étiquettes RFID (radio-identification), qui signalent leur position à un scanner placé à quelque distance. Bien que la technologie RFID soit plus rapide et plus efficace qu’un système manuel à code-barres, il est devenu évident qu’elle n’est pas parfaite. Les étiquettes peuvent être masquées ou être trop éloignées d’un scanner portatif pour réagir correctement (si elles réagissent). La vérification manuelle reste nécessaire dans certains entrepôts et dans un grand magasin un inventaire complet peut prendre jusqu’à 3 mois.

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Les problèmes d’accès aux domiciles doivent être surmontés avant que la livraison pour le dernier kilomètre ne puisse se généraliser.

Amélioration de l’efficacité, de la précision et la productivité

Selon le dicton, nécessité fait loi. C’est pourquoi les  drones ont été améliorés et équipés afin de mieux gérer l’inventaire en diminuant le temps nécessaire pour le faire, en améliorant considérablement la précision, ce qui permet donc de diminuer les pertes. Des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont mis au point un système qui permet à de petits drones aériens de lire des étiquettes RFID à des dizaines de mètres de distance, tout en identifiant l’emplacement des étiquettes avec une marge d’erreur moyenne d’environ 19 cm. Les chercheurs pensent que ce système pourrait être utilisé dans les grands entrepôts pour exercer une surveillance continue, pour empêcher les disparités d’inventaire et repérer les articles afin que les employés puissent répondre aux demandes des clients de manière fiable et rapide.

L’entreprise française Hardis travaille déjà dans ce domaine. Son système EyeSee, qui a reçu le Prix de l’innovation à CES 2018, a été lancé dans une version logistique en janvier 2018. La formule complète inclut un drone volant équipé d’un système permettant de capturer et d’identifier automatiquement les données des codes-barres ; une application commerciale pour les tablettes afin de surveiller automatiquement les vols et les données capturées ; et une application de back-office utilisant le service de Cloud Computing Amazon Web Services (AWS) pour la gestion, la configuration et l’intégration simple à tous les logiciels de WMS (systèmes de gestion d’entrepôt) et à tous les ERP (planification des ressources de l’entreprise) sur le marché.

En pratique, un opérateur place un drone à l’entrée de chaque allée. Le véhicule commence à vérifier l’inventaire selon un plan de vol prédéfini. L’opérateur peut alors voir les données capturées sur la tablette en temps réel et peut interagir avec le drone si, par exemple, il ne trouve pas un code à scanner. Simple à mettre en œuvre, sans avoir à adapter l’infrastructure, Hardis explique qu’EyeSee est au moins 5 fois plus rapide que la vérification par nacelle élévatrice.

On trouve de plus en plus de rôles nouveaux pour l’utilisation des drones dans la gestion des entrepôts et des inventaires.

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Si les obstacles pratiques peuvent être surmontés, il est clair que les drones pourraient augmenter l’efficacité en entrepôt.

L’évolution s’accélère

« L’utilisation de drones pour la gestion d’entrepôt et la logistique fait partie d’une évolution majeure de la chaîne logistique, qui cherche constamment à améliorer son efficacité et à fonctionner parfaitement toute l’année, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, » explique Chris Tozer, responsable de territoire (Royaume-Uni, Irlande et Italie) chez Ivanti Supply Chain, également persuadé que cette tendance va améliorer la productivité du personnel. « L’implication directe des innovations et évolutions technologiques telles que l’utilisation de drones dans la chaîne logistique pour la gestion des entrepôts et la manutention accroît la performance, car les hommes peuvent travailler plus efficacement et plus précisément grâce à cette aide mécanique. »

Les systèmes d’exploitation sont en train d’accomplir le « grand pas en avant » nécessaire pour améliorer et étendre leur faisabilité. Chris Tozer fait remarquer que les dispositifs de prélèvements connectés à Telnet ont été mis à niveau, pour passer de Windows CE (qui devrait être arrêté en 2020) à Android, ce qui permettra d’améliorer les fonctionnalités et de les adapter aux besoins des utilisateurs.

Une productivité dynamisée

Selon Argon Consulting, les drones aériens sont encore plus efficaces que ne l’annonce Hardis. Des drones équipés de deux caméras pourraient scanner et sélectionner 25 000 références en deux jours, ce qui mobiliserait près de 100 personnes sur la même
durée. Robert Garbett pense que les drones vont certainement remplacer les humains pour beaucoup de tâches d’entrepôt :

« Les applications pour les drones dans les entrepôts avancent rapidement, car ils ont un avantage de coût évident par rapport aux humains pour pratiquement toutes les tâches d’entrepôt : gestion, sécurité, etc. Les opérations d’entrepôt sont l’un des domaines où les drones peuvent être utilisés largement pour remplacer, plutôt que de compléter, une main-d’œuvre généralement utilisée pour gérer et déplacer le stock.  Bien sûr, la main-d’œuvre pourrait alors être employée à la fabrication, l’entretien et la réparation du parc de drones en plein essor. » En outre, Robert Garbett maintient que les avantages ne se limitent pas aux drones volants :

« L’utilisation de drones terrestres dans un environnement où l’on trouverait aussi des véhicules avec chauffeur semble problématique. Cependant des systèmes « détecter/éviter » perfectionnés sont désormais disponibles. Ils rendraient ces opérations sûres et efficaces, sans qu’il ne soit nécessaire de modifier l’environnement où ils opèrent ni le
matériel de manutention avec cariste existant. »

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