Technologie

Contrôler le tsunami des données

Par Ruari McCallion

Novembre 2018

Que doivent savoir les responsables logistiques, les chargés de parcs de matériels et les responsable d’entrepôts pour veiller à ce que leurs systèmes soient aussi efficaces que possible ? Comment éviter de se noyer dans un raz-de-marée de données ? Ruari McCallion nous parle de technologie.

Bienvenue dans l’industrie 4.0

Obtenir des informations, c’est une chose, obtenir des informations utiles, c’en est une autre. L’expression « industrie 4.0 », que l’on entend partout, s’appuie sur les données. Les « usines intelligentes » ne sont pas les seules à devoir traiter des données : les dirigeants d’entrepôt, de logistique et les gestionnaires de parc matériels sont également concernés.

Le but principal de l’industrie 4.0, dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement, consiste à favoriser le réseautage intelligent de produits et de processus le long de la chaîne de valeur. Il faut pour cela s’intéresser à l’Internet des objets (IoT), à d’autres technologies émergentes (telles que la blockchain) et à des données avancées procurées grâce à l’IA (intelligence artificielle).

Avec les progrès rapides des analyses de données et des algorithmes d’apprentissage automatique, les entreprises peuvent analyser en temps réel les échanges de données et en déduire des enseignements afin de combler les manques et de remédier aux pertes de revenus. Avec cette complexité grandissante, les fonctions de logistique et de manutention ne peuvent plus être gérées avec les outils de planification et de contrôle traditionnels.

Opportunités et défis

Les technologies de l’industrie 4.0 augmentent la transparence, ce qui signifie que la performance devient plus visible le long de la chaîne de valeur entière, y compris celle des partenaires et des fournisseurs. La prise de décision sera plus collaborative et efficace mais, aussi les machines seront conçues pour prendre des décisions et effectuer des activités d’apprentissage de manière autonome, d’après des algorithmes créés par des humains.

L’organisation technologique de la logistique évoluera avec la mise en œuvre de technologies de veille stratégique BI (Business Intelligence), des applications smartphone, des technologies AIDC et RFID, ainsi qu’avec la miniaturisation de l’électronique.

Une des tâches principales de la logistique « intelligente » et de la gestion de la chaîne d’approvisionnement consiste à ajouter le niveau d’autonomie et d’intelligence nécessaire pour la rendre plus efficace, plus connectée, plus agile et plus flexible. Il faut trouver le juste équilibre entre les systèmes semi-autonomes et l’intervention de l’homme, y compris le travail en fonctionnement « cobot », l’automatisation et la planification.

L’explosion de la disponibilité des données est en soi un défi. De la RFID (Radio Frequency Identification) au IHM (Interfaces Homme/ Machine), en passant par les capteurs de lubrification montés sur des machines, chaque petit connecteur est déjà équipé ou peut l’être pour fournir des données. Comment identifier et distinguer ce qui est vital, ce qui est important, ce qui est simplement intéressant et ce qui est confus ? Comment utiliser au mieux ce qui compte vraiment ?

Faut-il repartir de zéro ?

À ce stade, vous pouvez vous attendre à une discussion sur les investissements qui doivent être faits tout de suite pour éviter l’anéantissement de votre entreprise. Mais s’il est juste d’admettre que certains investissements sont nécessaires, beaucoup de matériel est déjà en place, comme les capteurs, les systèmes RFID et les connecteurs cités ci-dessus, ainsi que les convoyeurs automatiques et les chariots automatiques (AGV).

Inutile de tout détruire pour repartir de zéro. Ces capteurs et aides automatiques collectent tous des données sur la localisation, la capacité et l’état des machines, la disponibilité et la progression, l’emplacement, la source et la destination des marchandises, etc… Cependant, les entrepôts ou entreprises logistiques de taille moyenne ne sont pas tous en mesure de collecter ces données. Et on se demande pourquoi ils auraient besoin de ces données, alors que tout va plutôt bien dans l’état actuel des choses.

« L’accès universel à Internet, le comportement changeant des consommateurs, les nouveaux modèles commerciaux et la réinvention de la vente en gros pour les magasins modifient l’industrie, » explique Guy Courtin, vice-président de GT Nexus, solution et stratégie de l’industrie, vente au détail. Il souligne que les systèmes actuels de gestion des entrepôts ont été conçus pour gérer le mouvement linéaire traditionnel des marchandises dans la chaîne d’approvisionnement.

« Ils gèrent des processus entre les quatre murs d’un entrepôt, reçoivent du stock et facilitent sa répartition entre les magasins. Dans cette optique, la plupart des systèmes existants peuvent accomplir ces tâches. »

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Guy Courtin, vice-président de GT Nexus.

Vision pour 2025

Pourtant cela ne suffira plus à l’avenir. D’ici à 2025, l’usine intelligente sera une réalité, qui intégrera activement les humains et les machines dans des systèmes cyber-combinés. La logistique et la gestion d’entrepôt devront adopter les mêmes technologies, afin que la valeur acquise au sein des usines intelligentes ne soit pas perdue dans les espaces situés hors de leurs murs.

La technologie de l’industrie 4.0 permet de déverrouiller et partager les informations recueillies par les capteurs, la RFID, les étiquettes, les équipement de contrôle, etc… Les machines équipées de l’IA intègrent une intelligence de capteurs embarqués
associée à une meilleure connectivité pour permettre le déclenchement d’actions en fonction de ce qu’ils ‘voient’. Les systèmes automatisés peuvent décider eux-mêmes des changements ou réactions appropriés, par exemple, changer la ligne de produits sur un convoyeur pour prendre en charge d’autres références ou des lots plus petits.

La performance et la vitesse sont essentielles, mais la qualité aussi, ainsi que la capacité à traiter des demandes d’exécution de commandes provenant de plusieurs canaux, aussi bien maintenant qu’à l’avenir.

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Les systèmes de capture de données améliorent la visibilité dans le cadre des processus d’entrepôt.

Rendez vos données utilisables

Mais tout cela dépend de la conversion des données sous une forme utilisable. L’analyse des données couvre des techniques et processus qualitatifs et quantitatifs, utilisés pour améliorer la productivité et les gains commerciaux. Les données sont extraites et classées afin d’identifier et d’analyser les comportements et les tendances. Il s’agit en définitive d’une solution logicielle, qui peut très bien être intégrée au système ERP (planification des ressources de l’entreprise) d’une organisation. Cela en vaut-il la peine ?

La chaîne logistique actuelle est un réseau complexe de nombreuses parties prenantes. Alors que les consommateurs sont extrêmement préoccupés par le prix et le délai de livraison, les gestionnaires de service logistique et les professionnels de la manutention doivent faire face à une plus grande complexité et aux coûts supplémentaires dans l’entrepôt. Les volumes de commande plus élevés, les lieux de stockage plus nombreux, la vitesse accrue et les coûts salariaux en augmentation compliquent le travail de traitement des commandes. La réaction a été une forte personnalisation des logiciels existants et une plus grande exigence vis-à-vis du personnel, mais les systèmes obsolètes auront inévitablement des difficultés.

« Le logiciel de gestion des entrepôts doit répondre à trois besoins distincts : infrastructures, commandes et main-d’œuvre, » explique Guy Courtin. Selon Statista, environ 1,66 milliard de personnes ont effectué des achats sur Internet en 2017 et ce chiffre devrait augmenter de
30 %, pour atteindre 2,14 milliards d’ici à 2021.

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Le conditionnement automatisé et robotique rationalise les opérations.

Numériser votre chaîne d’approvisionnement

Il n’existe pas de ‘solution rapide’ pour transformer toute une chaîne d’approvisionnement en un modèle plus connecté et plus efficace. Cependant, dans une étude récente de Pricewaterhouse Coopers (PwC) sur l’essor de l’industrie 4.0, un tiers des entreprises interrogées avaient déjà commencé à numériser leur chaîne d’approvisionnement et 72 % envisageaient de le faire dans les cinq prochaines années.

Essentra Components a investi 150 000 £ dans TW Pick and Pack et dans un logiciel de gestion d’entrepôt pour assurer la précision de la préparation et de la livraison des commandes, offrant aux employés un meilleur accès aux données d’activité de l’entrepôt et aux informations de gestion. L’entreprise prévoit d’améliorer la gestion des emplacements pour réduire les délais entre la disponibilité d’un produit et son prélèvement afin de suivre le stock avec précision.

« Nous avons observé une augmentation des données en temps quasi réel que les prestataires logistiques recueillent via diverses sources, tels que les capteurs, les smartphones et les échanges de données B2B (entreprise à entreprise), » explique Renuka Pahuja, dirigeant de Smart Cube, prestataire international de services professionnels spécialisé dans l’approvisionnement, l’analyse et la recherche. L’entreprise possède des bureaux en Inde, au Royaume-Uni, en Roumanie, en Suisse et aux États-Unis. « Les entreprises de logistique s’appuient sur l’analyse du Big Data pour générer des informations et prendre de meilleures décisions stratégiques en temps réel, afin d’obtenir un avantage concurrentiel. »

Les sources de données utilisées par Smart Cube pour fournir des renseignements à ses clients comprennent notamment : des blogs qui donnent des éclairages sur les habitudes d’achat des clients ; balises de remorques ; balises de palettes / caisses / SKU ; enregistreurs électroniques embarqués ; appareils mobiles ; et même plateforme de réseaux sociaux.

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Renuka Pahuja, responsable à The Smart Cube.

Êtes-vous prêt(e) ?

« Les systèmes de capture de données apportent une visibilité en temps réel sur les processus de l’entrepôt, notamment des solutions d’imagerie de contrôle de qualité, des numérisations de codes-barres et des dimensionnement de produits, » poursuit Renuka Pahuja. Dans ce nouveau monde, les appareils technologiques portables facilitent l’exécution des commandes, tandis que la réalité augmentée et les appareils vocaux permettent d’accroître l’efficacité du prélèvement et la précision des commandes, pendant que des robots et des AGV rationalisent les opérations de palettisation, dépalettisation, préparation et emballage.

La gestion des stocks et de la chaîne logistique de nouvelle génération consiste à prendre des décisions flexibles et intelligentes, rendues possibles par les composants humains, organisationnels et technologiques de l’industrie 4.0 et de la logistique 4.0. Elles sont nécessaires pour faire la différence et obtenir des avantages compétitifs, voire simplement pour survivre dans notre époque hyper-connectée. La performance et la vitesse sont essentiels, mais la qualité aussi, tout comme la capacité à traiter des commandes provenant de plusieurs canaux, maintenant et à l’avenir.

Glossaire

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Industrie 4.0

La ‘quatrième révolution industrielle’ est basée sur la numérisation. La première révolution était basée sur la vapeur, la deuxième sur l’électricité et la troisième sur les ordinateurs et l’automatisation.

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Usine intelligente

Des ‘systèmes cyber-physiques’, dans lesquels les objets réels et les processus virtuels sont liés.

(Source : High-Speed Sustainable Manufacturing Institute)

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Internet des objets (IoT)

Connexion en ligne de machines, d’équipements et de capteurs, tels que les compteurs d’énergie.

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IA (intelligence artificielle) et machine learning (ML)

Domaine de l’informatique mettant l’accent sur la création de machines intelligentes qui fonctionnent et réagissent comme des humains. La conception de logiciels, la programmation et les applications permettent aux machines d’apprendre de leur environnement et de leur propre expérience, de planifier et de résoudre les problèmes. La reconnaissance vocale est un exemple d’IA.

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Blockchain

Technologie qui permet de distribuer des informations numériques non copiables ; Google Docs par exemple. La technologie du blockchain facilite et peut héberger ‘une version unique de la vérité’ dans les entreprises. Certains disent qu’il s’agit de la colonne vertébrale d’un ‘nouveau type d’Internet’.

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Big Data

Défini par Oracle, le géant du logiciel, comme étant « des ensembles de données plus grands et plus complexes, notamment à partir de nouvelles sources ».

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Analytique

Techniques et processus qualitatifs et quantitatifs utilisés pour améliorer la productivité et les gains commerciaux.

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