Écoresponsabilité

Actualité du carbone

Par Ruari McCallion

Octobre 2010

Les taxes carbone, les échanges de droits d’émission de carbone et la réduction de l’empreinte carbone sont des expressions maintenant répandues, mais la plupart des entreprises ne saisissent pas encore les possibilités de réduire leurs émissions, leur impact sur l’environnement – et leurs coûts.

Ruari McCallion examine la chaîne logistique.

Quand on pense aux principaux producteurs de CO2, on se tourne naturellement vers les industriels. Après tout, est-ce que ce ne sont pas eux qui auront à payer le plus dans le cadre des réglementations de contrôle des émissions ?

Bien que ce soit probablement vrai, le nombre d’entreprises qui y échapperont est, en fait, très limité.

A. T. Kearney, consultant en gestion internationale, a produit récemment le deuxième rapport annuel sur la chaîne logistique de Carbon Disclosure Project (CDP). L’une de ses découvertes-clés est que, désormais certains clients internationaux exigent que leurs fournisseurs fassent la preuve d’une gestion des émissions de gaz à effet de serre, d’une prise de conscience et de mesures, afin de maintenir leurs relations commerciales.

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Il y a 44 sociétés de chaîne logistique membres du CPD (sur environ 2 500 organisations qui fournissent des données sur le changement climatique) et leur taille compense largement leur nombre. Ses membres sont : BAE Systems ; Cadbury ; Colgate-Palmolive ; Dell ; GlaxoSmithKline ; H J Heinz Co ; Johnson & Johnson ; Johnson Controls ; PepsiCo ; Procter & Gamble ; Reckitt Benckiser ; Sony Corporation ; Unilever et Vodafone Group – de grands noms provenant de presque tous les secteurs commerciaux.

Un peu moins de 40 (89 %) de ces sociétés ont une stratégie établie consistant à communiquer avec les fournisseurs sur les questions de carbone et presque toutes ont mis en place un plan de réduction des émissions ou de l’énergie. Plus important, sans doute, pour la chaîne logistique, y compris les fournisseurs de logistique et les directeurs d’entrepôt, plus de la moitié (56 %) de ces organisations ont indiqué qu’elles envisagent de se débarrasser de certains fournisseurs s’ils ne respectent pas les critères de gestion du carbone fixés par les entreprises. En outre, certaines ont indiqué que les futurs contrats exigeront une meilleure gestion du carbone.

Une affaire sérieuse

« Les grandes sociétés, qui prennent au sérieux la réduction de carbone, élaborent des stratégies pour traiter les émissions de carbone de leur chaîne logistique, explique Stephen Easton, A. T. Kearney, directeur et responsable de l’étude. Leurs PDG et conseils d’administration exigent des résultats des programmes de réduction de carbone pour les entreprises, non seulement pour protéger l’environnement, mais aussi pour profi ter de la réduction des coûts. »

Le message est clair : les fournisseurs de marchandises aussi bien que de services risquent de perdre des clients importants s’ils ne font pas attention à leur empreinte carbone. Une des principales sources d’émissions provient des bâtiments. C’est pourquoi il y a eu une forte insistance sur l’effi cacité énergétique et l’isolation dans la Directive pour la Performance Énergétique des Bâtiments (ou D.P.E.B.). Elle stipule des obligations minimales sur l’aération et la perte de chaleur, entre autres sujets et, bien qu’elle ait augmenté les investissements nécessaires dans la construction des bâtiments – avec des implications sur la modernisation et le changement d’utilisation ou de locataire – elle tend à rendre les entrepôts moins chers à gérer à long terme.

« Leurs PDG [...] exigent des résultats des programmes de réduction de carbone pour les entreprises [...] mais aussi pour profiter de la réduction des coûts. »

Stephen Easton, A.T. Kearney.

Des « abris » plus écologiques

Certaines sociétés de construction sont allées beaucoup plus loin que la directive EPBD. Dans le numéro 5 d’eureka, de l’été 2008, nous avons examiné de quelle façon les entrepôts pouvaient être plus écologiques. Cet article citait la société Gazeley, spécialisée dans la construction d’entrepôts qui respectent l’environnement. Elle a maintenant créé plus de 6 millions de mètres carrés d’entrepôts de qualité dans un nombre croissant de pays. Elle a commencé au Royaume-Uni, où elle compte 25 succursales, de Strood dans le Sud à Doncaster et Liverpool dans le Nord.

« Quatre-vingts douze pour cent de l’impact carbone des bâtiments proviennent de leur utilisation pendant leur existence que nous, en tant que promoteurs, ne pouvons pas contrôler«

Jonathan Fenton-Jones, Gazeley

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Gazeley Construction specialises in ‘eco-efficient’ warehouses (Image courtesy of Gazeley)

Son site de 180 ha, Magna Park Plaza, situé à Saragosse, en Espagne, propose la gamme Gazeley de caractéristiques écologiques standards, notamment la collecte d’eau de pluie, afi n de limiter la consommation d’eau ; les toilettes à chasse de faible volume ; les enveloppes de bâtiment isolées et hermétiques, afin de diminuer les besoins en chauffage et en climatisation ; et le préchauffage de l’eau par système solaire, entre autres. L’Espagne ayant l’avantage d’avoir beaucoup de soleil, les panneaux solaires photovoltaïques font partie des options. Les caractéristiques écologiques de base de Gazeley sont censées apporter des réductions importantes des coûts d’exploitation dans la formule standard ; son service d’installation peut permettre d’économiser encore davantage.

Gazeley a entrepris un projet d’entrepôt pour John Lewis, l’un des principaux grands magasins du Royaume-Uni, projet qui a permis de réaliser plus de 240 000 £ (285 000 €) d’économies annuelles grâce à une utilisation extensive des énergies renouvelables (principalement éolienne et solaire) et, d’après les projections, devrait permettre de réduire les émissions de CO2 d’environ 67 %, par rapport aux bâtiments ordinaires, pendant ses 25 ans d’existence. Le centre de distribution de 45 000 m² qu’il a construit économise 156 tonnes de CO2 par an par rapport aux constructions et services standards.

285 000 € d’économies annuelles grâce à une utilisation extensive des énergies renouvelables et 67 % de réduction des émissions de CO2.

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Le revêtement bleu de qualité sur l’entrepôt Gazeley est attrayant et se fond dans l’environnement

« Quatre-vingts douze pour cent de l’impact carbone des bâtiments proviennent de leur utilisation pendant leur existence que nous, en tant que promoteurs, ne pouvons pas contrôler, indique Jonathan Fenton-Jones, directeur international de l’approvisionnement et de la viabilité. Ce que nous pouvons faire, c’est concevoir et construire le bâtiment de façon à ce qu’il commence une existence aussi effi cace que possible, avec des caractéristiques telles que la collecte d’eau de pluie, une isolation exceptionnelle, des pompes de géothermie et la capacité d’accepter des panneaux solaires dès le départ. » Le modèle Gazeley est en activité à 15 endroits différents en France, huit en Allemagne, trois en Italie et un autre en Belgique.

Plus jamais d’à peu près

Cependant, ce n’est pas simplement la consommation d’énergie qui crée des émissions, l’organisation de l’entrepôt luimême est importante. Bien que les chariots élévateurs électriques n’émettent pas de CO2 lorsqu’ils fonctionnent, ils doivent être chargés et, plus ils sont performants, plus ils sont utilisés effi cacement, moins ils utilisent d’énergie. Ainsi, l’ère du stockage au hasard (« aléatoire » comme certains l’appellent ) appartient au passé. Dans un des articles de ce numéro, nous examinons les enquêtes sur les sites et l’automatisation, ainsi que leur contribution potentielle. Un outil utile pour évaluer l’étendue du problème auquel les directeurs d’entrepôt sont confrontés a été produit par l’organisation britannique Carbon Trust. Appelé Footprint Expert (expert en empreinte carbone), il est accessible sur Internet et peut être utilisé pour comparer les performances dans une base de données croissante. Il a été conçu pour fournir de l’aide et des informations à partir d’évaluations rapides (des « points chauds ») par le biais des pistes de données vérifi ables pour obtenir des empreintes certifi ées et complètes qui peuvent servir dans les communications externes. On peut y accéder sur www.footprintexpert.com

Bien que les sociétés individuelles puissent avoir un impact sur les émissions, l’effet en sera amplifi é par la collaboration – du moins c’est ce qu’avance LPR, opérateur de regroupement de palettes, qui travaille avec des clients FMCG (biens de grande consommation) afi n de faire collaborer leurs chaînes logistiques et, ainsi, de réduire les trajets effectués par leurs camions. Plutôt que de faire des trajets en portant de petites charges, LPR libère leur capacité en collectant des chargements complets de palettes dans les centres de distribution régionaux et en les renvoyant aux fabricants de FMCG.

Perhaps its most significant achievement is to have created the platform that facilitated collaboration between competitors in the first place.

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DHL a collaboré avec Jaguar Land-Rover pour améliorer l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement

Mettre la collaboration à profit

La société de logistique DHL pousse l’idée un peu plus loin en établissant une plateforme collaborative dans ses opérations automobiles. Son projet a commencé avec un service de fret britannique entrant pour le site de Jaguar Land Rover situé à Solihull, en Angleterre. Il s’occupait d’un mélange de chargements complets et de chargements incomplets de camion et s’est développé pour inclure la gestion des pièces détachées correspondant aux critères juste-à-temps de BMW et au réseau des pièces de rechange de Jaguar. Au coeur de l’opération de plateforme coopérative se trouve le grand centre de cross docking de Solihull, qui est pris en charge par une flotte d’environ 350 véhicules et 400 remorques. Ils sont à la disposition de l’équipe de planification centrale de DHL, qui agit comme un prestataire de logistique 4PL, en profitant de ressources externes supplémentaires selon les besoins.

Bien que certains éléments de la plateforme soient consacrés aux équipementiers, tels que le fabricant de moteurs Perkins, une partie considérable de l’opération est prévue pour gérer les impondérables. Actuellement, la plateforme gère les pièces détachées – pour JLR (Jaguar Land-Rover) dans le sens entrant (entreprises au Royaume-Uni et dans le reste de l’Union européenne), et pour des fournisseurs courants comme Visteon. Cette configuration concerne aussi le centre de consolidation de fret britannique pour le service de collecte de Ford et de BMW, qui permet d’utiliser les propriétés de JLR qui, autrement, seraient inutilisées.

Actuellement, DHL entreprend plus de 1 000 collectes par semaine par le biais de la plateforme coopérative. En outre, DHL gère 2 000 collectes pour Jaguar Land Rover au Royaume-Uni et 1 200 auprès du service de collecte européen entrant. Les livraisons de BMW, divers clients juste-à-temps, Perkins, Dana et d’autres fournisseurs portent le total à environ 5 000 collectes par semaine.

Le partage d’une plateforme établie, qui a fait ses preuves, réduit les mouvements de véhicules, ce qui augmente l’efficacité générale de la chaîne logistique. Une réduction de mouvements entraîne une réduction de coûts, ainsi que de meilleures statistiques environnementales.

DHL, qui surveille son empreinte carbone, pense que l’adoption de la plateforme coopérative pour les pièces entrantes a abouti d’année en année à une réduction de carbone de chain.

« La circulation à vide est l’un des vilains secrets de l’industrie : plus de 60 % des poids-lourds britanniques transportent de l’air, explique Bob Naylor, vice-président du service de fret automobile britannique de DHL. Ce type d’initiative est l’une des façons dont nous pouvons continuer à réduire ce pourcentage. » Depuis son adoption par plusieurs fournisseurs de niveau un et deux, ces derniers mois, les chaînes logistiques ont obtenu des réductions de coût d’environ 10 %. En outre, DHL se concentre sur la conformité, en conservant des archives photographiques de ses livraisons, afi n d’identifier les boîtes qui ne peuvent pas être empilées, de façon à rectifier les mauvais emballages. Il va voir les clients pour discuter des façons d’optimiser les horaires et de réduire les mouvements de camions. Pourtant, sa réussite la plus importante est sans doute d’avoir créé la plateforme qui a permis et facilité la collaboration entre les concurrents.

Il n’y a pas de réponse unique aux problèmes de lois et de marché pour réduire les émissions, notamment de CO2. Comme indiqué plus haut, les options incluront la construction, l’agencement, la gestion des opérations et d’autres aspects. Cependant, comme le précise le rapport annuel sur la chaîne logistique de Carbon Disclosure Project d’A. T. Kearney, la pression exercée par les clients pour améliorer les performances va également continuer à s’intensifier.

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